Actes 2,1-11 :
Lorsque arriva le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble en un même lieu. Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d’un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils étaient assis.
Des langues leur apparurent, qui semblaient de feu et qui se séparaient les unes des autres ; il s’en posa sur chacun d’eux. Ils furent tous remplis d’Esprit saint et se mirent à parler en d’autres langues, selon ce que l’Esprit leur donnait d’énoncer.
Or des Juifs pieux de toutes les nations qui sont sous le ciel habitaient Jérusalem. Au bruit qui se produisit, la multitude accourut et fut bouleversée, parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue.
Étonnés, stupéfaits, ils disaient : « Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ? Parthes, Mèdes, Élamites, habitants de Mésopotamie, de Judée, de Cappadoce, du Pont, d’Asie, de Phrygie, de Pamphylie, d’Égypte, de Libye cyrénaïque, citoyens romains, Juifs et prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons dire dans notre langue les œuvres grandioses de Dieu ! »
Prédication par Marie-Pierre Cournot :
Ils sont tous réunis en un même lieu, dans la maison, pour célébrer la fête juive de la Pentecôte, aussi appelée fête des Semaines ou Chavouot.
À l’époque de Jésus, c’est une des trois fêtes de pèlerinage : tous les Juifs qui le peuvent, d’où qu’ils viennent, doivent se déplacer au temple de Jérusalem, cinquante jours après Pâques, pour célébrer le début de la moisson du blé.
Traditionnellement, les juifs lisent pour cette fête le livre de Ruth, dans lequel l’environnement agricole est très présent, toute l’intrigue s’y passe entre la moisson de l’orge et celle du blé. Ruth c’est cette femme étrangère, du pays de Moab, qui quitte tout pour épouser, au sens propre, la culture juive, sa langue, son Dieu.
Grâce à elle, la lignée interrompue des patriarches pourra reprendre, de générations en générations, être fructueuse comme la moisson, devenir royale et donner naissance au grand roi David puis se poursuivre jusqu’à engendrer Joseph, l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus.
Plus tard, après l’époque de nos évangiles et du livre des Actes des apôtres, Chavouot devient la fête du don de la Torah par Dieu au peuple hébreu dans le Sinaï, en témoignage de son alliance avec eux. La Torah, les cinq premiers livres de notre Ancien Testament que les chrétiens appellent le Pentateuque.
Ce jour-là est donc à plusieurs titres, un grand jour, celui de l’ouverture de l’impasse par l’étrangère qui sauve et permet la continuité de l’alliance, celui où Dieu partage avec les êtres humains les fondements d’une identité croyante à construire.
Ils sont réunis dans la maison. On ne sait pas qui ils sont. D’après la scène précédente, on peut penser que ce sont les douze disciples, mais rien ne le dit explicitement.
Il est tout à fait permis de penser que cette effusion d’esprit saint qui va se produire est aussi pour nous tous et toutes, que ce jour-là se poursuit à travers chaque jour dans l’Église : à chaque baptême, à chaque prédication, à chaque bénédiction, à chaque Sainte-Cène, nous aussi nous recevons le Saint-Esprit.
Qu’est-ce que l’esprit saint ou le Saint-Esprit, ce sont deux synonymes ?
D’après le récit du livre des Actes que nous avons lu, Jésus est mort depuis cinquante jours. Il est certes ressuscité et ses apparitions le prouvent. Mais son être ressuscité a été ensuite enlevé dans une nuée vers le ciel. Il n’est donc plus là. Il a laissé tout le monde seul.
Le Saint-Esprit, c’est ce que Jésus nous offre après son départ, pour le remplacer en quelque sorte, pour que même absent il soit présent à nos côtés.
Faisons les choses avec méthode. Dans Saint- Esprit il y a saint et il y a esprit.
Évidemment dans le protestantisme on n’aime pas trop ce qui est saint.
La théologie protestante rejette l’idée que certaines personnes pourraient grâce à leurs actions méritoires, comme les saints guérisseurs ou grâce à la souffrance endurée, comme les saints martyrs, obtenir un statut particulier qui leur conférerait une plus grande proximité avec Dieu. Cette avantageuse situation leur permettrait d’intercéder, c’est-à-dire d’intervenir en faveur des fidèles qui leur auraient rendu de nombreuses dévotions.
C’est pour cela qu’en dehors du protestantisme, on prie les saints pour espérer qu’ils défendent efficacement notre cause auprès de Dieu qui est peut-être trop occupé pour entendre directement notre prière et est plus à l’écoute de son cercle rapproché. Ou peut-être que les fidèles trouvent plus aisé de prier des saints plutôt que Dieu lui-même.
Dans le protestantisme, il n’y a pas de piston. En tout cas pas celui-là. Tout le monde est logé à la même enseigne, tout le monde est au même niveau en face de Dieu. Il n’y a pas d’intermédiaire favorisé ou efficace.
Chacun et chacune de nous est en capacité de vivre par lui-même une relation avec Dieu et d’en témoigner auprès des autres, c’est cela être prêtre. Et comme le disait Luther : « nous sommes absolument tous consacrés prêtres par le baptême »[1].
C’est pour cela je crois, que ce don du saint esprit nous concerne tous. Il n’est pas réservé à une corporation particulière.
Dans Saint-Esprit, « saint » c’est simplement parce ce que cet esprit est celui de Dieu.
Ce qui est lié à Dieu ou à Jésus est parfois appelé saint : comme le saint sépulcre par exemple qui est le tombeau de Jésus, ou plutôt là où certains pensent que pourrait être situé le tombeau de Jésus.
Ou bien, autre exemple, la sainte-cène, puisque c’est le nom que l’on donne au rituel de partage du pain et du vin. Qu’a-t-elle de sainte cette cène, c’est-à-dire ce repas ?
C’est le repas que le Christ a préparé pour nous. Et c’est dans ce repas qu’il se fait présent pour nous.
Donc revenons au Saint-Esprit.
C’est l’esprit de Dieu.
Le mot grec pour esprit, « pneuma », se retrouve dans « pneumatique », pour dire tout l’air qui est dedans. L’esprit, c’est l’air, le vent, le souffle. Le Saint-Esprit c’est le souffle de Dieu.
Ce souffle de Dieu est très présent dans la Bible.
Tournons-nous vers l’Ancien Testament. Les premiers versets de l’Ancien Testament, au tout début de la création nous disent que « le souffle de Dieu tournoyait au-dessus des eaux ».
Quelques versets plus loin, pour donner vie à l’être humain qu’il vient de fabriquer avec de la poussière, « il lui insuffla dans les narines un souffle de vie ».
Ce souffle de Dieu, ce Saint-Esprit est force de création et puissance de vie.
Il fait entrer la respiration de Dieu au sein même de la création et de l’être humain pour que notre vie soit rythmée par l’inspir et l’expir divins et que nous vivions au diapason de ce halètement sans fin.
Ce souffle de Dieu, Jésus l’a promis avant de mourir. Il a dit que cet esprit le remplacerait pour être à nos côtés. À chacun, chacune de nous Dieu le donne, il n’y a pas de pistonnés ou de mieux approvisionnés.
Nous sommes comme baignés par cet esprit.
C’est l’expression de l’alliance de Dieu, déjà exprimée dans le don de la thora au mont Sinaï puis dans l’eau du baptême.
D’après le récit des Actes des apôtres, le Saint-Esprit permet une avancée phénoménale, parler dans toutes les langues connues à l’époque.
Ce souffle projette les disciples loin de chez eux, au-devant de tous les étrangers. Comme Ruth cette habitante du pays de Moab qui part trouver sa voie au pays des Hébreux et leur ouvre à eux la voie de l’avenir.
Et si nous étions ainsi poussés loin de nos bases, parlant toutes les langues, où irions-nous ?
Quelle direction donnerions-nous à cet élan, cette explosion qui nous propulserait hors de chez nous ?
La fête de Pentecôte redit aujourd’hui que nous sommes dans cet élan !
Aujourd’hui nous recevons une langue de feu, une parole de feu, qui nous brûle, nous consume et nous embrase !
Cette parole palpitante, venue d’ailleurs, se détache et nous éclaire dans le brouhaha ambiant.
Quelle sera notre réponse à cette sollicitation ?
Peut-être pour se lancer, ne faut-il pas attendre de parler toutes les langues, d’ailleurs la plupart des langues que se sont mises à parler les disciples sont des langues maintenant mortes et elles ne nous serviraient pas à grand-chose !
Mais nous pouvons répondre présent en ouvrant en nous la voie vers l’étranger et l’inconnu dans des rencontres qui diront la force de création et la puissance de vie de Dieu, et celle de l’alliance que Jésus a scellée pour nous.
Cette alliance c’est à nous de la vivre, poussés par le souffle divin qui nous habite.
Une parole qui nous convoque à inventer la fraternité, la solidarité, à aller la chercher en dehors de nos murs, loin, là où l’esprit-Saint nous donne encore rendez-vous.
Amen
[1] Luther, Lettre à la noblesse chrétienne.
