Culte du 30 mai : Faut-il comprendre la Trinité ?

Textes bibliques : ici

Prédication par la pasteure Marie-Pierre Cournot :
Ce matin nous allons parler de la Trinité ! Ça c’est un gros dossier.

En quelques mots, la Trinité, c’est la doctrine qui dit que Dieu est le père, le fils et le Saint-Esprit et qui essaye d’expliquer les relations entre ces trois personnes. Un seul Dieu mais en trois parties, ou plutôt en trois essences, trois natures ou trois principes.

La meilleure façon je crois pour donner une idée de ce qu’est la Trinité c’est de comparer Dieu à l’eau. L’eau existe sous trois formes : une forme liquide, une forme solide (la glace) et une forme gazeuse (la vapeur). Les trois sont de l’eau mais chacune à sa propre nature et ses propres caractéristiques.

La Trinité a été l’objet des très nombreux débats, parfois violents, qui ont agité l’Église pendant les premiers siècles de notre ère et même au-delà.
Pourtant le concept de Trinité n’existe pas dans la Bible, en tout cas pas sous forme d’une théorie construite pour rendre compte de la nature de Dieu. On trouve, comme dans le passage de l’évangile de Matthieu 28 que nous avons lu, des formulations qui juxtaposent le père, le fils et Saint-Esprit : « Baptisez-les pour le nom du Père, du Fils et de l’Esprit saint. » On pourrait même comprendre, que Dieu est présenté ici par Matthieu comme le père. Qu’ensuite il y a Jésus, le fils, et puis l’Esprit-Saint. Il s’agit de trois entités différentes.
Et tout le Nouveau Testament n’est pas de trop pour essayer d’expliciter les relations et interdépendances entre les trois, sans que, honnêtement, rien ne soit parfaitement clair ni évident !

C’est plus d’un siècle après la mort de Jésus que le concept de la Trinité commence à émerger dans l’Église.
La naissance de ce concept est associé à d’énormes discussions sur la nature de Jésus : Jésus est-il humain, divin ou les deux tout à la fois ?
Penser que Jésus est pleinement divin, c’est-à-dire que Jésus est Dieu, peut être considéré comme du polythéisme, ou en tout cas du « bithéisme » puisqu’il y a alors deux dieux : Dieu et Jésus. Et certains opposants au christianisme ne manquent pas d’utiliser cet argument.

Il me semble que la Trinité, parfois tourne un peu sur elle-même. À trop vouloir préciser la nature de Dieu, de Jésus, du Saint-Esprit et la nature des relations qui les lient, on peut vite se trouver enfermé dans la Trinité.

Je vous propose une autre approche.
Laissons tomber les constructions théoriques surréalistes pour se focaliser sur une autre question : qu’est-ce que cela change pour moi ?

1ère question : Qu’est-ce que cela change pour moi que Dieu soit un père ?

Cette affirmation est assez polémique.
Certaines personnes n’ont pas du tout envie de retrouver à travers Dieu une figure paternelle familiale qui n’était pas à la hauteur.
Et pour les personnes qui en auraient envie, quel intérêt d’avoir en Dieu un deuxième père si le premier, celui qui les a élevées, a brillé par ses bons offices ?

Essayons de passer au-delà et d’imaginer ce que Jésus mettait dans cette expression qu’il a énormément utilisée.
Certainement un lien de forte dépendance. L’amour inconditionnel de Dieu pour nous en est une déclinaison.
Un lien d’antécédence aussi. Le parent précède toujours ses enfants. Mêmes si certains sages disent que les enfants et les parents ont le même âge puisque les parents ne deviennent parents de leur enfant qu’à la naissance de celui-ci …  
Le parent en tout cas fait advenir son enfant à la vie. Le Dieu père est en cela classiquement assimilé au créateur.
Le créateur de l’univers mais aussi celui qui m’ouvre à une vie nouvelle, une vie qui n’est plus seulement ma vie biologique, mais qui lui donne profondeur et éternité.

Dans une figure paternelle, peut-être idéalisée, il y a aussi une notion de puissance.
Le parent c’est l’horizon sans limites d’infinies possibilités hors de portée pour l’enfant.

On voit qu’à travers toutes ces qualités, s’articule plusieurs dimensions de Dieu irréconciliables, la proximité, l’écart et l’altérité.

2ème question : Qu’est-ce que cela change pour moi que la parole de Dieu se soit incarnée en Jésus ?

Revenons un instant à cette histoire de « bithéisme » car je la crois d’importance. Surtout si on lit le chapitre 4 du Deutéronome comme nous venons de le faire et qui dit : « Tu as donc été éclairé, pour savoir que c’est le SEIGNEUR (YHWH) qui est Dieu ; il n’y en a pas d’autre que lui. »Et un peu plus loin : « Tu sauras donc aujourd’hui — et tu y réfléchiras — que c’est le SEIGNEUR (YHWH) qui est Dieu dans le ciel, en haut, et sur la terre, en bas ; il n’y en a pas d’autre ».
Cela me semble clair, il n’y a pas d’autre dieu que Dieu, et il est à la fois dans le ciel en haut, et sur la terre en bas.
Dans ce sens, on pourrait dire que le Dieu de l’ancien testament est déjà incarné. Sa parole nous est transmise à travers la bouche des prophètes et sa présence se fait sentir en bas, sur terre, pour chacun et chacun de nous.

D’une certaine façon, le christianisme a inventé le concept que Jésus est Dieu, alors que dans la Bible on trouve plutôt, comme dans l’évangile de Jean, que la parole de Dieu s’incarne en Jésus, ce qui n’est pas pareil.
Dans « Jésus est Dieu », la nature de Dieu et celle de Jésus sont identiques et cette identité est statique.
Dans « La parole de Dieu s’est faite chair » : c’est la parole de Dieu qui se transforme en chair, en Jésus, et il y a là à la fois un mouvement et une irruption d’inattendu.   

La parole de Dieu aussi me transforme, bruyamment, ou sans que je le sache, toujours mystérieusement.
Elle trouve en moi un lieu d’incarnation. Certainement pas pour une incarnation aussi parfaite qu’en Jésus, mais penser que la parole de Dieu ne s’incarne qu’en Jésus c’est la penser bien faible et impuissante.

3ème question : Qu’est-ce que cela change pour moi que Dieu m’ait donné son Esprit ?

Nous avons vu dimanche dernier que dans l’Ancien Testament, l’esprit de Dieu se fait souffle créateur et de puissance de vie.
Dans le Nouveau Testament, et dans l’évangile de Jean en particulier, le Saint-Esprit est très lié à Jésus qui nous le promet pour combler le vide laissé par sa résurrection.  
L’esprit se fait présence, acteur malgré l’absence.

La tentative de définir plus précisément les relations d’interdépendance entre le Père, le fils et le Saint-Esprit ont entraîné le schisme entre les Églises d’Orient et d’Occident au 11e siècle.
Je ne sais pas s’il y avait besoin de construire une architecture complexe comme la Trinité, ni surtout s’il fallait se déchirer pendant des siècles à cause de cette théorie.
Les antitrinitaires ont été considérés parmi les pires hérétiques de l’histoire du christianisme, et je ne suis pas sûre que cela soit fini !
Mais ce dont je suis sûre c’est que je ne sais pas dire qui est Dieu.
Dieu ne peut jamais se réduire à ce que je peux en dire.

Les définitions que Dieu donne de lui-même dans la Bible restent pleines de mystère et même le nom qu’il se donne, quand Moïse le lui demande, est incompréhensible et imprononçable !
La relation entre Dieu et Jésus est aussi insondable et tout aussi hors de portée des mots et de la pensée humaine, d’une immensité qui nous dépasse.
Quant au Saint-Esprit, il reste énigme.

Au fond, puisque toute théorie et tout modèle explicatif sera imparfait, pourquoi pas la Trinité ?

Mais faut-il réellement maîtriser toutes les finesses de la Trinité ?
On peut aussi ne pas avoir besoin de résoudre la quadrature de la Trinité, se satisfaire de quelque chose qui nous dépasse et choisir de le vivre plutôt que de l’expliquer.

Après tout, Jésus nous donne rendez-vous.
Sur une montagne que Jésus avait désignée, nous dit Matthieu au début de notre texte.
Mais Jésus n’ayant désigné aucune montagne, on peut retenir que Jésus nous donne rendez-vous et que ce rendez-vous se passe dans un lieu emblématique de la rencontre de Dieu avec l’humanité : la montagne.

Jésus parle à tous, même à ceux qui doutent de lui !
Il ne réclame pas de ses auditeurs une totale adhésion, il nous accepte comme nous sommes.

Et ses premiers mots sont pour dire qu’à travers lui s’exprime la parole de Dieu : « toute autorité m’a été donnée dans le ciel et sur la terre ».
Cette autorité se transforme en force d’envoi : « Allez ! » dit-il !
Cette puissance qui met en mouvement au lieu de nous refermer sur nous-mêmes, sur une pratique ou une doctrine commune, respecte nos doutes, nos différences et nos approximations, et fait de nous des disciples, des envoyés, des témoins.

Des témoins du baptême, ce geste lui aussi complexe à expliciter, dans lequel se retrouvent le Père, le fils et le Saint-Esprit, pour dire notre libération des puissances du mal qui nous asservissent, pour dire notre appartenance au peuple des enfants de Dieu uniquement du fait de son amour pour nous, et pour clamer cette bonne nouvelle.

Quand à la consigne de Jésus : « enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai commandé », elle se rapporte à ce que Jésus a lui-même défini comme étant l’essence même de la loi : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ton intelligence. C’est là le grand commandement, le premier. Un second cependant lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même[1]. »

Amen


[1] Matthieu 22,37-39

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