C’est donc aujourd’hui que l’on fête l’Épiphanie.
On fête l’apparition de Jésus aux mages qui sont venus le saluer et lui rendre hommage après sa naissance.
Cette fête a le plus souvent perdu son caractère religieux dans les familles où l’on partage une galette des Rois.
L’intéressant
dans la galette, à part la frangipane, c’est qu’il y a une fève et que
celui ou celle qui tombe sur la fève devient Roi ou Reine pour
l’occasion, alors qu’il n’a aucune autre raison d’être Roi ou Reine.
Il y a donc un enjeu majeur dans la répartition des parts de galettes entre les convives !
Qui d’entre vous n’a jamais essayé de choisir la part dans la quelle il devinait la fève ?
Dans
certaines familles, on va même jusqu’à tirer au sort qui mangera telle
ou telle part de la galette, pour être sûr que n’importe qui puisse
devenir Roi ou Reine et ce, à chances égales.
Savez-vous que le fait de tirer au sort un Roi est une coutume qui n’a au départ absolument rien de chrétien.
Elle s’enracine dans une fête païenne de l’Antiquité romaine.
À
l’époque, à une certaine période de l’année, on tirait au sort parmi
les condamnés à mort ou les esclaves celui qui deviendrait roi ou maître
le temps de la fête.
Pendant une journée, l’heureux désigné par le
sort pouvait faire tout ce qu’il voulait, mais une fois les
réjouissances finies, il retournait à sa condition de condamné à mort ou
d’esclave.
Et pour tirer au sort le Roi ou le maître de la fête, on utilisait déjà un gâteau avec une fève dedans.
Revenons à l’évangile.
Le seul Évangile qui nous parle des Rois mages, c’est celui de Matthieu.
Il ne dit pas combien ils sont, ni comment ils s’appellent, ni précisément d’où ils viennent.
Tout cela sera rajouté plus tard, par la tradition.
Matthieu nous dit seulement qu’ils sont plusieurs et qu’ils viennent d’Orient.
D’ailleurs Matthieu ne parle pas réellement de « Rois mages ».
La traduction française que nous avons lue tout à l’heure dit simplement « Mages ». Pas « Rois mages ».
Et le mot grec utilisé par Matthieu signifie en fait « savants » ou « sages ».
Peut-être étaient-ils spécialistes des étoiles, ce qui expliquerait qu’ils aient repéré cette étoile inhabituelle.
La science des étoiles, à l’époque, était appelée « magie », d’où le terme de « mage ».
Mais en tout cas pas « Rois mages ».
Et pourtant de nos jours, tout le monde dit « les Rois mages ».
Cette
origine royale date probablement de plus d’un siècle après l’évangile
de Matthieu, les premières traces écrites que l’on en a remontent au 3e
siècle.
On peut comprendre, je crois, que ce soit important que les
savants ou les sages qui se prosternent devant Jésus soient d’origine
royale.
L’événement de la naissance de Jésus parait d’autant plus
important que les personnages qui se déplacent pour venir se prosterner
devant ce nouveau-né sont eux-mêmes des personnalités de haut rang.
Il
est possible que les auteurs qui ont élevé les mages au titre de Roi se
soient inspirés du Psaume 72 que nous avons lu et qui parle d’un fils
de roi devant qui tous les rois du monde viennent se prosterner pour lui
offrirent des cadeaux.
Je cite : « Les rois de Tarsis et des îles
apporteront des offrandes, les rois de Saba et de Seba offriront des
présents. Tous les rois se prosterneront devant lui, toutes les nations
lui seront soumises. »
À peu près à la même époque que l’origine
royale des mages, émerge l’habitude de fixer leur nombre à trois, même
si cela restera fluctuant assez longtemps.
Mais ce n’est que
quelques siècles plus tard que les mages, devenus les trois Rois mages,
se voient attribuer un nom dans les écrits des Pères de l’Église : ils
seront Gaspard, Melchior et Balthazar.
La tradition populaire dira que Gaspard vient d’Asie, Balthazar d’Afrique et Melchior d’Europe. (…………)
Alors,
maintenant que nous avons un peu débroussaillé dans ce que nous fêtons
aujourd’hui, ce qui revient à l’Évangile et ce qui est un enrichissement
ultérieur mais non moins intéressant, voyons ce que ce texte nous dit
et comment la tradition s’en est emparé.
La Bible nous dit, grâce à
l’évangile de Matthieu, que les premières personnes qui sont venues
rendre visite à Jésus ce sont des savants inconnus, venus de loin,
guidés par une étoile, et qu’ils ont apporté des cadeaux précieux.
Vous vous rendez compte comme la naissance de Jésus devait être un événement important !
A
l’occasion des naissances habituelles, ce sont plutôt des gens que l’on
connait qui viennent voir un nouveau-né : les grands parents, les
frères et sœurs, la famille, les amis, les voisins.
L’annonce de cette naissance est un événement qui a été diffusé dans le monde entier.
Même les étoiles se sont mises de la partie pour que tout le monde le sache !
Et
on voit bien comment s’est établie la tradition que les Rois mages
venaient un d’Afrique, l’autre d’Asie et le troisième d’Europe.
Bien sûr, c’étaient les trois seuls continents connus à l’époque.
Les Rois mages représentent le monde entier, l’humanité entière, n’importe qui.
L’humanité
entière est là pour adorer Jésus et reconnaître en lui le futur Messie.
Jésus est né pour répondre à tous, ou plus exactement à chacun.
Si
l’usage a articulé cette scène de l’évangile de Matthieu avec le rituel
de la galette des Rois et du tirage au sort du Roi ou de la Reine, c’est
bien pour nous dire cela.
Chacun de nous, d’où qu’il vienne, d’Afrique, d’Asie, d’Europe ou de n’importe quel autre continent, peut être un Roi Mage.
Chacun
peut être un de ces importants personnages, devenus Rois par la force
de la tradition, par la magie d’une galette, et être le premier témoin
de la naissance de Jésus.
Nous sommes les témoins de Jésus, car il se manifeste à nous, il est là pour nous, comme pour les Mages venus d’Orient.
Mais nous sommes aussi ses témoins car nous allons témoigner au monde de cette naissance.
Comme
les Rois Mages, nous avons tous des trésors entre les mains, peut-être
pas de l’or, ni de l’encens ou de la myrrhe, mais des dons précieux,
parfois même plus précieux que l’or.
(La myrrhe c’est une plante
dont on extrait une espèce de pâte huileuse qui sent fort et avec
laquelle on fait des parfums, des médicaments et de l’huile pour des
bénédictions).
Et les trésors ne sont pas faits pour être gardés.
Il sont fait pour être ouverts et être donnés.
C’est ainsi que nous témoignerons, que nous deviendrons les témoins vivants de cet événement Jésus.
Je sais bien que certains se disent, « je n’en ai pas moi de trésors », « je suis pauvre », « je suis malade » !
Ou « Je n’ai rien à offrir »
« je ne suis rempli que de doutes, de regrets ou d’inquiétudes » !
Ce que nous disent ce matin l’évangile de Matthieu et aussi cette tradition de la galette des Rois est très surprenant :
« Nous sommes tous des Rois ! », « des Rois et des Reines ! ».
Nous sommes tous des gens extraordinaires, pleins de trésors.
Des trésors qui sont au fond de nous, des qualités précieuse que Dieu a mises là en nous créant.
Des
qualités que parfois nous ignorons, ou que nous croyons asséchées
depuis longtemps, depuis que la dureté de la vie en est venue à bout.
Des trésors que Dieu cultive, parfois à notre insu, dans ses créatures, les êtres humains qu’il a créés et qu’il aime.
Matthieu nous dit aussi qu’il en faut peu pour que nous ouvrions nos trésors.
Il
suffit d’une étoile, d’un moment de joie comme les Rois mages de
l’Évangile. Je cite : « À la vue de l’étoile, ils éprouvèrent une très
grande joie. »
Une parole peut nous inviter à partager nos trésors cachés, à bénéficier du plaisir de les découvrir avec d’autres.
Parfois
c’est un regard qui nous pousse dans cette aventure, ou une infinie
reconnaissance pour la vie, celle qui a passé et celle qui commence.
Cela peut être aussi une infinie lassitude dont nous avons envie de nous débarrasser.
Alors pensons, que galette ou pas galette, fève ou pas fève, nous sommes tous des rois et des reines !
Pensons
que nous sommes tous des témoins d’un enfant né il y a une semaine et
qui va apporter la possibilité à chacun d’être Roi ou Reine.
Et que chaque enfant qui nait sur terre nous exhorte à déballer nos trésors et à les offrir, comme les Rois Mages.
Vous aussi offrez tout ce qu’il y a de bon en vous ;
Commencez donc aujourd’hui puisque c’est le jour où tout le monde peut être Roi ou Reine et faire selon ses désirs !
Amen
Plaisance, dimanche 6 janvier 2019 — Pasteure Marie-Pierre Cournot