Dieu tout-puissant ?

Culte du 24 novembre 2019 – Plaisance – Prédication – 2 Samuel 5,1-3 ; Luc 23,35-43 ; Col 1, 12-20
Marie-Pierre Cournot

Ecouter les textes et la prédication

(début de la prédication : 10 minutes et 15 secondes)

Chers amis, nous allons parler de la toute-puissance de Dieu.


C’est le bon jour, aujourd’hui où nous célébrons la royauté du Christ.
L’actualité, nationale ou internationale, ravive des questionnements fondamentaux sur le pouvoir, l’exercice du pouvoir, la puissance et la toute-puissance.
Ces questionnements ne sont pas prêts ni d’être résolus, ni de retomber tout seuls.
Regardons donc, en ce jour où nous célébrons la Royauté du Christ, ce que la Bible a à nous dire sur la royauté, l’exercice du pouvoir, et la toute-puissance.

L’évangile de Luc, nous présente un soi-disant « roi des juifs » dont on attend qu’il se sauve lui-même.
Un roi, en quelque sorte tout-puissant.
Un roi qui tirerait sa toute-puissance de Dieu, je cite : « qu’il se sauve lui-même, s’il est le Christ de Dieu, celui qui a été choisi ! ».
Qu’est ce que cela veut dire être tout puissant ?
Pouvoir tout faire ?
Mais si Dieu peut tout faire, il faut bien qu’il y ait un certain ordre qui régisse ce qu’il fait.
Il ne va faire briller le soleil et pleuvoir en même temps, ni faire briller le soleil et la lune en même temps.
Ni faire à la fois ce qui m’arrange et ce qui arrange le voisin quand on se fait la guerre.

Si Dieu est tout puissant, en fonction de quoi décide-t-il ce qu’il fait ?
Si Dieu est tout puissant, pourquoi ne sauve-t-il pas son fils de la croix, ne sauve-t-il pas les gens que nous aimons, pourquoi laisse-t-il se produire tant de mal et d’injustice ?
Si Dieu est tout puissant alors pourquoi laisse-t-il arriver tant de catastrophes comme les ouragans, les sécheresses ou les épidémies et tant d’atrocités comme les guerres et les crimes ?
C’est l’éternelle question de la théodicée que nous n’allons pas résoudre aujourd’hui. Je résume la problématique de la théodicée :

  • soit Dieu est tout puissant mais alors il n’est pas totalement bon puisqu’il laisse pas mal d’horreurs se produire,
  • soit Dieu est un dieu d’amour total mais alors il n’est pas tout puissant puisqu’il est manifestement impuissant devant tant de méchancetés et de catastrophes dans notre monde.
    Il y a des générations de théologiens qui ont essayé de résoudre cette question.
    Et un des chemins passe par le questionnement de l’expression « tout-puissant ».
    Par exemple quand nous récitons le symbole des apôtres : « Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, etc. … ».
    L’expression « tout-puissant » est une traduction du terme grec pantocrator, en passant par le latin.
    Étymologiquement Pantocrator signifie « qui tient tout » ou « qui soutient tout ». On est bien loin de ce que l’on entend aujourd’hui par notre « tout-puissant ».
    Le mot Pantocrator quand il est utilisé dans le texte biblique est lui-même traduit de l’hébreu Yhwh El Shadday ou Yhwh tsebaot.
    Ce sont deux appellations de Dieu assez courantes dans l’Ancien Testament.
    Est-ce que cela vous est familier ou pas du tout ?
    L’appellation de Dieu El Shadday que l’on trouve dans des textes assez tardifs de l’Ancien Testament reste un nom assez obscur.
    Probablement inspiré du nom de divinités mésopotamiennes le « dieu de la montagne » ou le « dieu des contrées incultivables », peut-être à mettre en rapport avec le « maîtres des animaux », ce dieu des steppes qui soumet les animaux sauvages et dont on connait plusieurs représentations dans l’iconographie proche-orientale.
    El Shadday en tout cas nous parle d’un dieu qui ordonne le chaos et rend l’univers vivable pour l’humain.
    Yhwh Tsebaot, c’est une des appellations en hébreu de Dieu, difficile aussi à traduire, que l’on a rendu très souvent par « Dieu des armées ».
    En fait Tsebaot vient d’un mot qui veut dire étoile, et il s’agit donc plutôt des armées célestes que terrestres.
    D’ailleurs Yhwh est souvent dans les textes les plus anciens de l’Ancien Testament décrit comme entouré d’une nombreuse cour de séraphins, chérubins et autres personnages célestes.
    On voit bien qu’il n’y a pas ni dans El Shadday ni dans Tsebaot la notion de toute puissance, de « quelqu’un qui peut tout faire », notion que l’on mettra en suite dans la traduction du mot grec « pantocrator » qui lui-même ne la contenait pas au départ.
    Ce que Pantocrator nous dit c’est que Dieu est plutôt un Dieu universel, un Dieu de toute la création.
    Un Dieu qui tient toute la création dans sa main, et qui l’ordonne pour qu’elle soit vivable pour l’humain.
    Vivable mais pas parfaite, vivable mais pas aussi bien que nous le souhaiterions, vivable mais pas sans les horreurs de la nature et des humains.
    Dieu tient la création dans sa main et l’ordonne pour que nous y trouvions un sens malgré les horreurs de la nature et des humains.
    Un dieu qui garantit une certaine cohérence de l’ensemble de l’univers et du temps pour que l’humain puisse y vivre et s’y développer.
    Et aussi je crois, un dieu de l’ensemble de notre vie.
    Dans l’Évangile de Luc, ni Dieu ni encore moins le Christ, ne sont tout puissants.
    Le Christ, celui qui a été choisi par Dieu, ne peut pas se sauver lui-même.
    Et Dieu ne sauve pas non plus son fils.
    Par contre il fait de l’horreur de cette croix un événement qui donne du sens à notre vie.
    En ressuscitant son fils, Dieu nous ressuscite chaque jour.
    Chaque matin où nous en avons besoin, devant les horreurs de ce monde et de notre vie, il nous prend la main pour nous tenir debout devant lui.
    Nous tenir debout dans le creux de sa main.

Dans le passage du 2e livre de Samuel que nous avons lu, c’est de la royauté de David dont on nous parle.
Une royauté qui tire sa légitimation de deux mouvements. Un mouvement descendant, c’est Dieu qui en adressant sa parole directement à David a fait de lui le roi.
En effet le peuple rappelle à David que le Seigneur lui a dit : « C’est toi qui feras paître Israël, mon peuple, c’est toi qui seras chef sur Israël. »
Mais il ne s’agit pas seulement d’une royauté issue du pouvoir divin, la royauté de David se définit aussi par le peuple qu’elle gouverne.
Une royauté qui s’incarne dans ce peuple, au sens propre : « Nous sommes tes os et ta chair » disent à David l’ensemble des tribus.
Le texte nous dit que le peuple d’Israël, donc du Nord, est venu jusqu’à Hébron, ville du royaume de Juda au sud.
En devenant le roi d’Israël, donc du royaume du nord, David qui était déjà le roi Juda, donc du royaume du sud, devient roi de l’ensemble du peuple israélite.
Ici aussi, l’Ancien Testament nous présente une figure de roi régnant sur l’ensemble du monde.
L’ensemble du peuple est constitutif du pouvoir.
Sans le peuple, le roi n’a plus ni os ni chair.
Je ne sais pas ce qui lui resterait, les cheveux et la barbe peut-être ?
En tout cas, il serait vidé de toute substance et de toute charpente.

C’est aussi cette vision-là du pouvoir que nous présente Paul dans sa lettre aux Colossiens.
Les Colossiens ce sont les habitants de Colosse, une ville d’Asie mineure où s’est développée une petite communauté qui suit les enseignements de Jésus.
Les spécialistes datent l’écriture de la lettre aux Colossiens à peu près de la même époque que l’écriture de l’Évangile de Luc, vers les années 80 du premier siècle.
Et Paul dit aux Colossiens, en parlant du Christ :
« Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute création ;
car c’est en lui que tout a été créé dans les cieux et sur la terre,
le visible et l’invisible, […] ; tout a été créé par lui et pour lui ; ».
On est devant une représentation de la dimension universelle du Christ.
Et au verset suivant, je cite : « Lui, il est avant tout, et c’est en lui que tout se tient ».
C’est en lui que tout se tient. C’est exactement ce que veut dire littéralement le terme grec Pantocrator que nous traduisons par « Tout-puissant ».
La dimension universelle du Christ, c’est ce qui nous permet, je cite encore « de tout réconcilier avec lui-même, aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux ».
Imaginez-vous un monde où chaque être humain serait réconcilié avec Dieu et partant, avec tous les autres.
Si Dieu était tout-puissant, certainement il pourrait faire que ce soit le cas.
Mais il suffit que Dieu, par le Christ, tienne tout en sa main, qu’il nous soutienne tous.
Les 7 milliards et demi d’humains que nous sommes sont dans la main du Seigneur.
C’est parce qu’il nous tient tous dans sa main, parce que chacun des 7 milliards et demi d’êtres humains sur cette planète sont un peu de la chair et un peu des os de ce Dieu invisible, que nous pouvons nous réconcilier avec lui et entre nous.
Même s’ils ne sont pas chrétiens, même s’ils sont d’une autre religion, même s’ils n’ont aucune religion et ne croient en rien.
Et même si certains sont très méchants, certains font des choses abominables.
D’autres sans être méchants, sans le vouloir, font des choses qui me dérangent, ou viennent chez moi perturber ma vie et mes projets, me mettre en insécurité.
Dieu nous tient tous dans sa main, là est sa puissance.
Et il nous regarde, probablement désolé de voir les horreurs que nous commettons et celles qui nous tombent dessus.
La royauté du Christ, la puissance de Dieu, ce n’est pas une toute-puissance, c’est cette force et cette espérance qui nous tiennent dans sa main.
Elles ne sont pas toutes-puissantes, elles ne peuvent pas faire que tout advienne.
Mais elles peuvent faire qu’advienne dans notre vie des choses impossibles, qui n’adviendraient pas sans cette force et cette espérance qui nous tient.

Amen

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