Le don de l’Esprit : pour qui ? Pour quoi ?

Culte de Pentecôte du 31 mai 2020

Prédication par la Pasteure Marie-Pierre Cournot sur Actes 2,1-11 :

Frères et sœurs, nous y voilà, nous allons célébrer le renouvellement de l’Alliance de Dieu avec l’humanité.

Et plus que son renouvellement, sa métamorphose, et la nôtre par la même occasion.

Les apôtres sont donc rassemblés tous ensemble dans la maison pour les différents rituels de Shavouot.

Quand je dis les apôtres, en fait ce n’est pas très clair, le texte dit « ils se trouvaient réunis tous ensemble », mais difficile d’être sûr de qui sont ces « ils ».

Les apôtres, ou peut-être un cercle plus large, on nous a parlé juste avant de 120 personnes, ou d’un autre groupe avec des femmes, Marie la mère de Jésus et aussi ses frères.  

En tout cas, ils sont tous ensemble. Cette expression « tous ensemble » est celle qui s’utilise pour parler de la communauté.

Quelle qu’elle soit, cette petite communauté fait corps, elle est verrouillée.

Et c’est ça que le Saint-Esprit va venir défaire.

Ouvrir des brèches dans ce sens communautaire qui tisse des mailles serrées pour se protéger.

Mais pour cela il va falloir taper fort.

Alors brusquement, les éléments se déchaînent, un grand désordre cosmique se fait : grand bruit qui vient du ciel, beaucoup de vent, du feu : ce sont des signes typiques annonciateurs de l’arrivée de Dieu, témoins de la puissance qui rayonne autour de Dieu.

Dieu vient ici comme il est venu au Sinaï rencontrer Moïse et le peuple.

Et sous quelle forme apparait Dieu ici ? Sous forme de langues !

Pas banal.

On remarquera qu’en grec comme en français le mot langue désigne à la fois l’organe qui est à l’intérieur de la bouche et partant tout ce qui a sa forme oblongue, mais aussi les différents idiomes qui existent parmi les différents peuples ou les différentes régions (comme le français, l’anglais, le finois ou le breton par exemple).

Le texte nous dit : « ils furent tous remplis d’Esprit Saint »

Ces différentes langues qui leur tombent dessus, c’est donc bien Dieu ou plutôt son Esprit, ce qui revient au même.

À l’occasion de la commémoration de l’Alliance libératrice, Dieu réactualise son alliance, non plus en donnant des règles et des lois comme le don de la Torah au Sinaï, mais en offrant son esprit.

C’est sa nouvelle façon d’être présent pour chacun de nous.

Son esprit vient nous remplir ce qui se traduit concrètement ainsi : « Ils furent tous remplis d’Esprit Saint et se mirent à parler d’autres langues ».

Il est possible que l’on ait ici une trace des rites de glossolalie ou de « parler en langues » qui sont décrits par Paul dans ses lettres, ce sont des moments où les fidèles, directement inspirés par l’Esprit-saint profèrent de sons incompréhensibles mais qui touchent directement le cœurs de participants. De telles pratiques existent de nos jours dans de nombreuses Églises charismatiques ou pentecôtistes.

Peut-être que cette scène est inspirée d’une telle pratique mais son sens est transformé.

En leur permettant de parler une autre langue que la leur, le Saint-Esprit casse le côté communautaire fermé et les ouvre sur autre chose, d’autres personnes, un autre cadre, d’autres expériences.

Dieu renouvelle son alliance en nous donnant le pouvoir de la parole.

Le pouvoir de la parole, ce n’est pas tant celui de parler, c’est celui d’écouter et de comprendre.

Dieu veut que ses apôtres soient à l’écoute de tous. Pas juste de leur petit cerce de proches qui parlent la même langue qu’eux, vraisemblablement l’araméen, mais de tous.

Les juifs originaires du monde entier qui assistent, sont très déconcertés par cette explosion de langues !

Ils s’étonnent « Tous ces gens qui parlent ne sont-ils pas des Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entendent dans sa langue maternelle ? ».

Tout d’un coup cela n’a plus d’importance d’être de la même origine que Jésus, Galiléen comme lui.

Tout d’un coup notre pays d’origine, la région de nos ancêtres n’a aucune valeur, ou plus exactement toutes les origines ont la même valeur et toutes sont mises sur le même plan par ce décloisonnement des langues.

Un peu comme le confinement (est-ce la dernière fois que je prononce ce mot ?) qui loin de scléroser notre communauté l’a ouverte.

A d’autres horizons, à d’autres expériences : le culte en audio-visioconférence, accueillant des personnes de partout, et en commun tous les dimanches avec une autre paroisse, luthérienne de surcroit, qui l’aurait cru il y a trois mois ?

Cela nous a ouvert à d’autres personnes, à d’autre liturgie, à d’autres histoires protestantes que celle que nous imaginons être partagée par tous.

Nous avons rencontré des personnes lointaines, il y avait même des personnes que nous ne connaissions pas, parfois mêmes des étrangers qui ont suivi nos cultes, des personnes qui parlent une autre langue !

Alors frères et sœurs, je vous dit merci ! Merci d’avoir rendu l’esprit saint aussi vivant et efficace.

C’est un signe que nous terminions notre expérience de culte entièrement virtuel aujourd’hui, le jour de la Pentecôte.

Un signe pour nous rappeler que le Saint-Esprit a sa place et se sent accueilli dans une communauté vivante et non refermée sur elle-même, une communauté ouverte sur l’extérieur qui ne cherche pas seulement à faire croître la foi de ses membres mais aussi à recevoir et à grandir de ce qu’elle reçoit de l’extérieur.

À la Pentecôte, Dieu ne fait pas que renouveler son alliance, il fonde par le don du Saint-Esprit un événement nouveau.

Par son Esprit, Dieu vient se poser sur nous afin de nous donner le pouvoir, la force de sortir de notre milieu pour aller au-delà, vers le différent, vers l’autre pour lui parler et pour l’écouter, le comprendre.

Le théologien suisse Daniel Marguerat parle de « force créatrice de communication ».

Fête par excellence de l’alliance de Dieu avec les êtres humains, alliance qui rime avec libération et avec fertilité, je ne crois pas aujourd’hui que le feu va nous tomber sur la tête, ni que je vais subitement me mettre à parler et comprendre l’allemand ou le basque, mais je crois, que Dieu nous donne cette force de sortir de nous-mêmes pour aller vers l’inconnu.

Un inconnu qui compte pour Dieu, qui fait partie de son peuple.

Dans cette nouvelle communauté très large, aux contours flous et distendus que Dieu instaure le jour de la Pentecôte, chacun est individualisé, chacun à sa propre langue, sa propre conversation avec Dieu.

Amen.

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