Revoir le culte dédié aux victimes d’agressions sexuelles et de viols

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Culte du 22 mai 2022 au temple de Montparnasse-Plaisance sur l’agression de Suzanne

Daniel 13, 1-26 (ce chapitre ne se trouve que dans l’Ancien Testament qui nous est parvenu en grec et non en hébreu. Il ne figure pas dans la plupart des Bibles protestantes, on peut le prouver dans les Bibles catholiques et dans la TOB) :

Il y avait un homme qui habitait à Babylone ; son nom était Joakim. Il prit une femme nommée Suzanne, fille de Helkias, très belle et craignant le Seigneur. Ses parents étaient justes, et ils avaient instruit leur fille selon la Loi de Moïse.
Joakim était très riche, et il avait un parc attenant à sa maison. Les juifs affluaient chez lui, parce qu’il était le plus illustre de tous.
On avait désigné comme juges, cette année-là, deux anciens pris parmi le peuple, de ceux dont le Maître a dit : « L’iniquité est venue de Babylone, d’anciens, de juges, qui passaient pour gouverner le peuple. » Ils fréquentaient eux-mêmes la maison de Joakim, et tous les gens à juger venaient à eux.
Or, lorsque le peuple s’était retiré, au milieu du jour, Suzanne entrait et se promenait dans le parc de son mari.
Les deux anciens la voyaient chaque jour entrer et se promener, et ils furent pris de désir pour elle, […] alors ils fixèrent d’un commun accord un moment où ils pourraient la trouver seule.
Or, tandis qu’ils guettaient un jour favorable, elle entra une fois comme la veille et l’avant-veille, avec seulement deux jeunes filles, et elle eut le désir de se baigner dans le parc, car il faisait chaud. Il n’y avait là personne, excepté les deux anciens qui étaient cachés et la guettaient. Elle dit aux jeunes filles : « Apportez-moi de l’huile et des parfums, puis fermez les portes du parc, pour que je me baigne. »
[…]Or, dès que les jeunes filles furent sorties, les deux anciens se dressèrent, coururent vers elle et dirent : « Voici que les portes du parc sont fermées, et personne ne nous voit. Nous sommes pris de désir pour toi ; consens donc à avoir des rapports avec nous. Sinon, nous témoignerons contre toi qu’un jeune homme était avec toi et que c’est pour cela que tu as congédié les jeunes filles. »
Suzanne alors gémit et dit : « Je suis cernée de tous côtés. Si en effet je fais cela, c’est pour moi la mort ; et si je ne le fais pas, je n’échapperai pas à vos mains. Mieux vaut pour moi tomber entre vos mains sans l’avoir fait, que de pécher en présence du Seigneur. »
Et Suzanne cria d’une voix forte, tandis que les deux anciens criaient aussi contre elle. L’un d’eux courut ouvrir les portes du parc. Dès que les gens de la maison eurent entendu ces clameurs dans le parc, ils se précipitèrent par la porte latérale, pour voir ce qui lui était arrivé.

Prédication 1, par la pasteure Marie-Pierre Cournot :
Suzanne est donc une belle femme. Je ne crois pas que la responsabilité de Suzanne dans ce qui va lui arriver pointe dans cette remarque, laissons au texte biblique le bénéfice du doute. Quoique.
Par contre dès le premier verset on nous dit qu’elle craignait le Seigneur et que toute sa famille étaient de bons croyants. C’est un élément décisif dans l’intrigue puisque cela va permettre de considérer ce qui lui arrive est injuste.
C’est classique : il faut encore parfois aujourd’hui, pour qu’on écoute une personne dénoncer une agression sexuelle, qu’elle fasse tout d’abord la preuve de son honorabilité et de sa moralité. Les deux anciens, sont tout aussi symboliques : des juges influents à la grande réputation, plus âgés qu’elle, et en plus ils sont deux ! Tout est en place pour obtenir de sa part un faux consentement par la manipulation et la violence.
Les deux anciens préparent un plan bien organisé et particulièrement pervers. Ils imposent à Suzanne de faire un choix : soit qu’ils abusent d’elle, soit qu’ils l’accusent publiquement d’adultère.
C’est un choix impossible.
Tout le poids de leur plan machiavélique est reporté par les deux vieux sur ses épaules à elle. Elle est perdue d’avance, de toute façon dans les deux cas, c’est pour elle la mort.

Première solution : Suzanne refuse de se faire violer et par représailles ils l’accusent publiquement d’avoir un amant.
Elle sera mise à mort car selon la loi du Lévitique et du Deutéronome, en cas d’adultère les deux amants sont mis à mort. Elle résume bien cette solution, en disant « si je ne le fais pas (entendez ‘être violée’), je n’échapperai pas à vos mains », c’est-à-dire « je suis de toute façon à votre merci ».

La deuxième solution qui lui est proposée : elle obéit à la criminelle injonction des deux vieux qui la violent.
Suzanne résume cette solution ainsi : « Si en effet je fais cela (entendez ‘être violée’), c’est pour moi la mort ».
Pourquoi la mort ?  On peut imaginer encore deux scenario :  
– Premier cas de figure, le viol est découvert et Suzanne sera condamnée à mort par la loi dont je viens de parler qui condamne les amants à mort. Le fait qu’elle ait été violée n’entre pas en ligne de compte.
Vous me direz que les deux vieux aussi seront condamnés à mort … pas sûr car la faute et le crime sont toujours ceux de la femme avant d’être ceux de l’homme. Voyez dans le Nouveau Testament l’histoire de Jésus et de la femme adultère condamnée, seule, à être lapidée (Jean 8,1-11). Le récit ne dit pas un mot de son amant. Où est-il ? Pourquoi n’est-il ni jugé ni condamné alors que la loi ordonne la peine de mort pour les deux ? Jésus lui-même ne dira rien de cet amant lâche et immoral ! Et pourtant on pourrait dire beaucoup de cet absent, qui abandonne sa bien-aimée devant le tribunal et la laisse seule endosser la punition mortelle de leur crime – puisque c’était un crime à l’époque. Pour moi, c’est là qu’est sa faute et sa perversité à cet homme, dans sa volonté de faire endosser à l’autre sa propre responsabilité.

– Toujours dans le cas où Suzanne est violée, deuxième cas de figure : le viol n’est pas découvert.
Mais Suzanne reste la preuve du crime, l’incarnation de la faute commise par d’autres. Elle doit donc mourir pour qu’ils puissent vivre en paix.

La condamnation et la peine n’ont pas à voir avec la responsabilité et la culpabilité. Se donnera-t-elle la mort ou cessera-t-elle d’éprouver le moindre élan vital ?
Ce n’est pas si différent de nos jours, où les personnes qui sont victimes d’agression sexuelle sont vouées à une mort toute aussi dévastatrice qui vous réduit à ne plus vivre, tout juste à survivre, enfermée dans la culpabilité et/ou la victimisation.
Devant toutes ces solutions qui aboutissent à la mort, Suzanne choisira d’être condamnée à mort pour adultère, car dit-elle « Mieux vaut pour moi tomber entre vos mains sans l’avoir fait », sans avoir été violée.
Ce choix impossible qui lui a été imposé rajoute de la perversité à cette agression : à Suzanne d’assumer et d’être responsable de son viol ou de sa mort !

Ensuite a lieu le procès que je vous résume : les deux juges dénoncent Suzanne devant tout le peuple rassemblé chez son mari. Les deux criminels demandent même à ce qu’on lui enlève son voile pour pouvoir je cite « se rassasier de sa beauté ». Ça n’est donc jamais fini !
Ils essayent certainement aussi par ce geste d’apporter une preuve à leur discours accusateur : voyez comme elle est belle, elle a forcément un amant !

Et nous lisons la suite.

Daniel 13,41-64 :
[…]L’assemblée les crut, en tant qu’anciens du peuple et juges, et ils la condamnèrent à mort.
Suzanne alors cria d’une voix forte et dit : « O Dieu éternel ! Toi qui connais les secrets et sais toutes choses avant leur origine ! Tu sais bien qu’ils ont porté un faux témoignage contre moi ; et voici que je meurs sans avoir rien fait de ce qu’ils ont méchamment inventé contre moi. »
Le Seigneur entendit sa voix.
Tandis qu’on l’emmenait pour la faire périr, Dieu suscita l’esprit saint d’un tout jeune garçon nommé Daniel. Il cria d’une voix forte : « Je suis innocent du sang de celle-ci ! »
Tout le peuple se tourna vers lui, et ils dirent : « Qu’est-ce que cette parole que tu as dite ? »
Mais lui, debout au milieu d’eux, dit : « Êtes-vous insensés à ce point, fils d’Israël ? Sans avoir fait d’enquête ni savoir ce qui est sûr, vous avez condamné une fille d’Israël. Retournez au tribunal, car ceux-ci ont porté un faux témoignage contre elle. »
Tout le peuple s’en retourna en hâte, et les anciens dirent à Daniel : « Viens siéger au milieu de nous et expose-nous ta pensée, car Dieu t’a donné le privilège des anciens. »
Daniel leur dit : « Séparez-les bien loin l’un de l’autre, et je vais les juger. »
Dès qu’ils eurent été séparés l’un de l’autre, il appela l’un d’eux et lui dit : « […] Maintenant donc, si réellement tu as vu cette femme, dis sous quel arbre tu les as vus avoir commerce ensemble. » Il dit : « Sous un lentisque. »
[…]L’ayant renvoyé, il ordonna d’amener l’autre, et il lui dit : « […] Maintenant donc, dis-moi : sous quel arbre les as-tu surpris ayant commerce ensemble ? » Il dit : « Sous un chêne vert. »
Toute l’assemblée d’Israël cria d’une voix forte, et ils bénirent Dieu qui sauve ceux qui espèrent en lui. […] Ils agirent envers les anciens de la façon qu’ils avaient méchamment imaginée contre leur prochain, afin d’agir selon la Loi de Moïse ; ils les tuèrent, et le sang innocent fut sauvé ce jour-là. 4[…] Et Daniel devint grand devant le peuple, à partir de ce jour-là et dans la suite.

Prédication 2, par la pasteure Marie-Pierre Cournot :
Cette histoire nous en rappelle beaucoup d’autres, et même des très actuelles. Si quelqu’un veut se lancer, je suis sûre que Suzanne et les vieillards rencontrerait un grand succès sur les réseaux sociaux, je vous recommande TikTok, avec une nuée de personnes qui se lèveraient pour défendre les deux juges.

Nous sommes tous concernés par cette histoire, elle nous interroge.
Est-ce qu’il ne nous arrive pas de temps en temps de faire porter la responsabilité ou la décision de nos propres actes à quelqu’un d’autre ?
Sommes-nous prêts à considérer sur un pied d’égalité notre personne et des personnes qui sont objectivement moins expérimentées, moins douées, moins renommées que nous ? Pas sur un plan technique bien sûr, mais sur le plan des personnes ?
Dans notre histoire, typiquement, une simple femme n’est pas considérée par des hommes d’âge mur, sachants et très influents. Ils sont aveuglés par leurs qualités jusqu’à en oublier que l’autre a exactement les mêmes de droits qu’eux.

D’autres questions que l’on pourrait se poser :
Dans la vie en général, qui croyons-nous ? Sur quelles bases ?
Quand il y a un affrontement, quels sont les critères, avoués ou secrets, qui nous font prendre parti pour un camp ou pour l’autre ?
Comment utilisons-nous les histoires des autres, ou les autres pour renforcer notre propre image de nous ?

La parole des deux hommes suffit donc pour faire condamner à mort Suzanne. Personne ne conteste, ne pose de question, aucune voix ne se lève pour interroger la parole des deux anciens. Aucune enquête, ni même aucun interrogatoire de Suzanne. Il n’y a pas de place pour sa parole à elle parmi les humains. Non seulement elle a été agressée, responsabilisée, culpabilisée et condamnée, mais encore faut-il qu’elle soit contrainte à être muette.
La seule parole possible pour Suzanne est un cri vers Dieu. Ce Dieu dont elle dit trois fois qu’il connait les secrets, qu’il sait toute chose, qu’il sait bien ce qui s’est réellement passé.
C’est une chose sûre, malgré toutes les apparences, il y en a un qui sait ce qui s’est passé, qui sait démasquer les vrais coupables, c’est Dieu.
Au plus profond de nos expériences indicibles, qui nous détruisent, Dieu est là, Jésus, est là. Pas comme un Dieu de la toute-puissance qui aurait pu empêcher que cela arrive.
Mais comme un Dieu de la toute-possibilité.
Un Dieu grâce à qui l’impossible peut devenir possible pour nous, peut prendre vie. Son amour infaillible et son énergie peuvent nous pousser vers un chemin de relèvement, de restauration. Et comme nous l’avons dit vendredi soir dans notre soirée de Protestantisme niveau débutant, un chemin de résurrections.  

Amen

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