Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur

Marc 6.45-53

Un peu loin de notre quotidien, cette histoire de marche sur les eaux ?

C’est un miracle et pourtant n’est pas quelque chose de propre à Jésus ni d’unique dans l’histoire de l’humanité.
Il y avait des récits mythologiques de dieux marchant sur les eaux dans l’Antiquité grecque et il y en a aussi dans la tradition rabbinique.
On en trouve même dans l’Ancien Testament.
D’une part il y a dans l’Ancien Testament, plusieurs récits d’eaux qui s’écartent miraculeusement pour laisser passer à pied ceux qui doivent traverser.
On pense bien sûr au récit de l’Exode du peuple hébreu traversant la mer qui s’ouvre devant lui, mais il y a des récits similaires, du peuple traversant le fleuve Jourdain, dans le livre de Josué et dans le deuxième livre des Rois.
J’entends bien que ce n’est pas tout à fait le même mode opératoire que de marcher sur les eaux mais il s’agit dans les deux cas de traverser l’eau à pied sans se noyer, et en tout cas, cela requiert une intervention divine.
Et puis d’autre part, il y a dans le livre de Job, cette description de toutes les choses merveilleuses que Dieu fait, et entre autres preuves de sa puissance miraculeuse, Job dit en parlant de Dieu : « Il marche sur les hauteurs de la mer ».

Dans notre passage ce matin, il est aussi question d’une intervention divine.
Ou plutôt d’une façon de mettre en avant, de faire découvrir, l’identité divine de Jésus.

La scène se situe juste après l’épisode de la multiplication des pains et elle est suivie de la mention de multiples guérisons dans la ville de Génésareth.
Dans la multiplication des pains il s’agit de nourrir une multitude, à Génésareth il s’agit de guérir une multitude.
Entre les deux, une scène d’un autre genre, notre épisode, avec peu de personnages, qui a première vue n’ont l’air ni nourris ni guéris.
Si la multiplication des pains se passait à l’extérieur, au grand jour, au vu et au su de tous, impliquant un très large public, tout comme les guérisons qui vont suivre, ici nous sommes dans une scène presque intimiste, puisque seuls sont concernés Jésus et ses disciples, la nuit, seuls au milieu d’une étendue désertique (le lac de Galilée) et concentrés dans l’espace étroit de la barque.

Pourquoi Jésus les envoie-il seuls, en pleine mer (ou plutôt en plein lac), vers un péril qui risque de les engloutir ?

Souvenons-nous qu’au moins quatre disciples avant d’être recrutés par Jésus avaient fait de la pêche sur le lac de Galilée, leur métier.
Deux autres évangélistes, Luc et Jean nous racontent même qu’ils pêchaient parfois toute la nuit pour rapporter du poisson.
La navigation de nuit sur le lac de Galilée n’a donc rien d’inhabituel pour eux.
Et pourtant, ils vont être pris dans une tempête, « le vent leur était contraire et ils ont beaucoup de mal à ramer » nous dit Marc.
Ils ont lutté contre la tempête la moitié de la nuit, ils n’arrivent pas se déplacer, ils vont mourir noyés et délaissés par Jésus qui a préféré aller prier ailleurs.
Voilà donc nos pêcheurs pourtant expérimentés, bloqués en pleine nuit au milieu du lac de Galilée.
Est-ce que c’est une situation qui vous parle ?
Je ne vous parle pas de navigation, mais de situations ou de moments où nous nous sentons bloqués, où nous avons l’impression de ne pas avancer, voire de reculer malgré tous nos efforts ?
Nous n’avons plus aucune prise sur les éléments et les personnes qui nous entourent.
Même des situations d’ordinaire familières peuvent devenir des courses d’obstacles hors de portée.
Comme les disciples pris dans la tempête qui ne sont plus maître de leur bateau, nous ne pouvons plus gouverner notre vie.
Et comme les disciples, nous nous sentons abandonnés.
Et dans ces cas-là, on peut être envahi par des sentiments peu rationnels, par des peurs venues du tréfonds de l’obscurité.
Et c’est le cas pour les disciples.
Ils oublient ce lac qu’ils connaissent bien et sont rattrapés par la crainte ancestrale que les Hébreux éprouvent pour l’eau.
Ils ne voient en l’eau, de mer ou de pluie, qu’un chaos potentiellement destructeur dans lequel seul Dieu peut mettre de l’ordre.
Et ce n’est pas par hasard que Marc appelle ce lac « mer de Galilée », c’est bien une masse redoutable et imprévisible.
Du chaos de la mer, le livre de l’Apocalypse nous apprend que sortaient parfois des créatures monstrueuses.
Et voilà que justement, au milieu de la nuit (la quatrième veille de la nuit, c’est entre 3 et 6 heures du matin), au fond de leur détresse, les disciples voient se précipiter vers eux une silhouette improbable, non identifiée : un fantôme !
« Ils poussèrent des cris, car ils le voyaient tous et ils étaient troublés » rapporte Marc.

Certes Jésus ne les avait pas accompagnés et n’était pas là pour partager leur angoisse, mais il gardait un œil sur eux, quand bien même les disciples ne percevaient certainement pas qu’ils étaient sous la bonne garde de Jésus.
Jésus donc, inquiet de leur devenir, se lance à leur rescousse.
Masi comment ? Ils sont loin, l’eau les sépare de lui, il n’a pas d’embarcation et la tempête fait rage.
Ni une ni deux, Jésus avance sur l’eau comme si ce n’était que de la terre.
De ces flots agressifs, Jésus supprime tout danger, l’eau devient solide et le vent se couche.
Jésus a certes un pouvoir sur les éléments, mais je crois que ce n’est pas cela qu’il faut retenir.
Ce qui compte c’est que Jésus est venu pour les sauver.
Il ne dit rien, il ne fait rien, sa présence suffit à transformer la situation, à la rendre sûre.
Il y a beaucoup d’hypothèses qui tentent d’expliquer pourquoi Jésus, marchant sur l’eau, voulait dépasser les disciples, ou « passer à côté » d’eux.
La plus probable me semble-t-il c’est que Marc a voulu reprendre l’image de Dieu « passant à côté » de Moïse au Sinaï.
Les disciples, tout occupés à leurs angoisses et centrés sur leur propre personne, ne voient pas ce qui se passe.
Alors Jésus leur dit cette phrase remarquable : « Courage ! c’est moi, n’ayez pas peur ! ».
L’expression grecque qui est traduite par « Courage ! » et que l’on pourrait aussi traduire par « Confiance ! » apparaît sept fois dans le Nouveau Testament.
C’est toujours Jésus qui l’emploie sauf une fois où se sont les disciples qui probablement répètent ce que Jésus leur a dit.
Cette expression survient toujours dans un contexte qui met en avant la divinité de Jésus.
Le plus souvent dans des scènes de guérisons miraculeuse opérées par Jésus.
Il s’adresse à la personne malade ou déjà miraculée en lui enjoignant d’avoir confiance.
« Courage ! C’est moi ».
« C’est moi » ou autre traduction possible « Je suis », et on reconnait alors le nom que Dieu lui-même se donne dans l’Ancien Testament.
Cette révélation que Jésus fait de sa proximité avec Dieu, voire même je crois de sa propre divinité, les disciples ne la comprennent pas, alors même que Jésus vient les rejoindre dans leur barque pour qu’ils puissent reprendre la traversée et enfin, avancer.
En tout cas sur le moment, les disciples ne réalisent pas ce qui leur arrive.
Ils se posent encore des questions sur ce qui s’est passé au moment de la multiplication des pains et cela les empêche d’ouvrir les yeux sur la présence de Dieu auprès d’eux.
Je relis le verset : « En eux-mêmes, ils étaient tout stupéfaits ; car ils n’avaient rien compris à l’affaire des pains : ils étaient encore obtus. »
Dans l’évangile de Marc, Jésus le grand voyageur traverse trois fois le lac de Galilée, seul avec ses disciples, et à chaque fois les disciples ne comprennent rien à ce qui se passe.
Ce lac est l’image de notre incompréhension, de notre manque de confiance, des flots qui parfois nous engloutissent et nous font perdre de vue que Dieu est là à côté de nous, que même si on le croit loin et occupé ailleurs, il vient braver le danger avec nous, il monte dans la barque avec nous.
Ce n’est pas Dieu qui nous envoie les malheurs et les accidents que nous affrontons dans notre vie, par contre c’est lui qui vient à nos côtés pour nous aider à les surmonter.

Les disciples seront sauvés du naufrage mais le cours de leur vie ne reprendra pas tout à fait comme prévu.
Au début du récit, ils partaient pour Bethsaïda, sur la côte nord-est du lac.
A la fin du récit il accosteront à Génésareth sur la côte ouest, probablement là où ils avaient levé l’ancre après la multiplication des pains.
D’une nuit de détresse comme celle qu’on vécu les disciples on ne se sort pas indemne comme si rien ne s’était passé.
L’avenir sera à replanifier.
Il n’est pas noir pour autant, bien au contraire, Génésareth sera le lieu de multiples guérison qui n’auraient peut-être pas été accomplies si la barque avait accosté à Bethsaïda comme prévu.
Du fond de nos détresses, petites ou grandes, gardons en tête que Dieu est à côté de nous, il s’est embarqué avec nous, non pour nous emmener là où nous voulions aller, pour faire comme si de rien n’était, mais pour nous accompagner sur ce chemin nouveau que nous aurons à construire.

Confiance ! C’est moi, n’ayez pas peur !
Amen

Plaisance, dimanche 3 février 2018 — Pasteure Marie-Pierre Cournot

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