La confiance, la nouveauté, les stigmates

Galates 6.14-18

Chers amis, frères et sœurs,

C’est un texte plutôt court, cinq petits versets, mais qui résument bien trois des axes de la prédication de Paul.

Je vous propose de nous arrêter successivement sur la confiance, la nouveauté puis de terminer en regardant si les stigmates ont quelque chose à nous dire aujourd’hui.

1- D’abord la confiance :

« Mettre sa fierté en rien d’autre que dans la croix ».

On a plutôt l’habitude d’être fier de ce que l’on fait.

Ici il s’agit d’être fier d’une chose pour laquelle on n’a rien fait.

Ni Paul ni nous n’y sommes pour rien si Jésus a été crucifié.

C’est ainsi que Paul rappelle ce qui fait le cœur de sa lettres aux Galates et que l’on résume habituellement par l’expression « le salut par la foi et non par les œuvres ».

Le cœur de la prédication de Paul c’est que salut ne s’obtient pas par ce que l’on fait.

Rien de ce que l’on fait, c’est ce qu’on appelle les œuvres, ne peut nous donner le moindre soulagement.

La sécurité, le bonheur et la paix par lesquels on cesse de se soucier en permanence pour soi, pour sa vie, pour ce qu’on va devenir, pour se qui va se passer, pour l’avenir, ne s’obtient qu’en plaçant sa confiance, non dans ce que l’on pourrait faire, mais en Dieu, le seul qui puisse nous garantir quelque chose de solide.

Quand Paul parle de la croix, dans laquelle il met sa ferté, c’est Dieu qu’il nomme.

Ce Dieu qui a choisi un être humain pour s’incarner et venir auprès de nous, tellement humain qu’il a fini sur une croix.

L’expression « le monde est crucifié pour moi comme je le suis pour le monde » mérite peut-être quelques éclaircissements.

Je crois que « crucifié » veut ici dire « condamné » : « le monde est condamné pour moi comme je le suis pour le monde ».

Paul appelle « le monde » tous ceux qui ne suivent pas le Christ.

Ils les oppose à ceux qui, comme lui, le suivent et en cela mettent leur totale confiance en Dieu.

« Le monde » c’est en quelque sorte tout ce qu’il y a d’humain en  nous.

Tout ce qui fait que nous cherchons la perfection, la performance.

À l’opposé, il y a Dieu qui nous propose de ne plus compter ni sur nos capacités ni sur tout ce que nous pourrions mettre en œuvre pour tenter de nous rapprocher de lui, comme les pratiques religieuses ou l’observance de la loi.

La croix devient pour Paul le symbole de cette opposition.

La confiance en Dieu se trouve encore matérialisée dans notre texte par l’opposition entre circoncision et incirconcision : un signe extérieur de ralliement à Dieu (la circoncision) n’a pas de valeur particulière et ce que l’on est (juif ou non juif) importe peu.

C’est une vraie torpille que Paul lance quand il dit qu’il n’est plus besoin d’être circoncis.

Ce mouvement chrétien naissant qui au départ est issu de la tradition juive dont une des marques identitaires est la circoncision, doit prendre cela comme un terrible affront.

Mais justement les Galates ne sont pas issus de ce milieu-là, ils sont d’origine grecque donc païenne.

Cependant, ils sont sous l’influence de missionnaires qui veulent les pousser à se faire circoncire et d’après d’autres passages de la lettres aux Galates ils ont réussi !

Être circoncis ou ne pas être circoncis ?

Là n’est pas la question pour Paul.

Cela importe peu. Faites comme vous voulez.

La réponse est ailleurs.

Vous pouvez vous faire circoncire si vous le souhaitez, cela n’est pas gênant.

D’ailleurs Paul est lui-même circoncis et a fait circoncire son disciple Timothée.

L’important c’est de ne pas imaginer un instant que ce symbole de l’identité juive soit nécessaire à notre salut ou que cela permette, ni même facilite, notre relation à Dieu, que cela nous autorise à tenir notre place devant Dieu.

Mais cela ne l’empêche pas non plus.

J’imagine que peu d’entre nous sont concernés par la question de la circoncision.

Mais on pourrait par exemple prendre l’exemple du signe de croix.

Un certain courant du protestantisme réformé préfèrerait mourir plutôt que de faire le signe de croix !

Parce que cela marquerait un attachement à l’identité catholique.

Je suis sûre que Paul dirait « Ce qui importe ce n’est ni de faire le signe de croix, ni de ne pas le faire, ce qui importe c’est une création nouvelle ».

2- Le 2e axe donc, c’est la nécessité d’une création nouvelle.

Notre place devant Dieu est dans une nouvelle création.

Quelque chose de neuf, qui donc ne nous ressemble plus, dont on ne peut pas savoir ce que ce sera et qui n’est pas défini par ce que nous étions, pas notre identité ou par nos racines.

Cette création nouvelle est un mouvement de haut en bas (Dieu vient vers nous) et non de bas en haut (nous peinons à aller vers Dieu).

Elle est inaugurée par la présence de Jésus qui contient en elle l’essence de tout acte créateur de Dieu.

Notre place devant Dieu est d’être une nouvelle créature.

Et pour cela il y a ce que j’appelle la règle du neuf (neuf comme nouveau) : nous-mêmes, sommes-nous capable de faire du neuf ? De ne pas reproduire ?

Rien de ce que nous étions avant ou de ce que nous faisons, ne nous aide pour obtenir l’assurance du présent ou de l’avenir.

Il nous faut réinventer une nouvelle façon de vivre, en suivant la règle du neuf/nouveau.

En grec « règle » , c’est « canon », ça veut dire « roseau » : c’est une longueur définie, comme un mètre étalon en quelque sorte.

C’est-à-dire ce qui donne la mesure officielle.

Dès le 2e siècle le mot « canon » désigne la règle de foi de l’Église primitive puis la collection des livres saints reconnus par l’Église.

Évidemment, au moment de l’écriture de la lettre de Paul aux Galates, « canon » n’a pas encore ce sens, et ni Paul ni ses destinataires n’ont d’ailleurs la moindre idée que cette lettre aura sa place dans ce qui deviendra le canon.

En tout cas, quand Paul parle de règle, ce n’est pas du tout une règle morale ou un règlement à respecter, ni une voie à suivre pour se sanctifier, c’est-à-dire pour se rapprocher de Dieu ou avoir un mode de vie plus cohérent avec notre foi.

Non, cette règle dont parle Paul, c’est ce qui constitue l’être chrétien, c’est-à-dire le principe fondamental, l’essence de la vie chrétienne.

Et c’est quelque chose de très nouveau auquel la foi nous convertit : ne vivre que pour l’amour fondamental de Dieu pour nous, exprimé en Jésus.

Ce nouvel état apporte la paix et la compassion (ελεος) nous dit Paul.

On pourrait aussi traduire « compassion » par « amour », pour lui enlever le côté un peu apitoyé ou misérable qu’il pourrait y avoir dans compassion.

3- Et enfin, en 3e axe, nous allons parler de stigmates.

Paul est lui-même l’expression de cette réalité nouvelle, par sa prédication orale ou écrite, mais aussi dans son corps.

Et c’est cela qu’il veut dire quand il dit « Je porte sur mon corps les marques de Jésus ».

« Les marques », c’est « stigmata » en grec, les stigmates.

C’est la seule utilisation de ce mot dans tout le nouveau testament, ce qui n’aide pas à préciser son sens.

L’utilisation de stigmates, au pluriel, pour désigner les plaies de Jésus est un sens beaucoup plus tardif qui n’a rien à voir avec notre texte.

Il s’agit, dans son sens propre, d’une marque sur le corps.

À l’origine, les tatouages et autres marques corporelles sont des signes d’appartenance à une tribu ou au culte d’un dieu et la circoncision relève en partie de cette catégorie.

Ils deviennent plus tard dans le monde grec antique, un signe d’exclusion, réservés aux prisonniers de guerre et aux esclaves, avec en particulier le marquage au fer rouge.

Est-ce pour Paul des traces physiques de mauvais traitements reçus lors des persécutions dont il a été l’objet en raison de sa foi chrétienne ?

C’est possible, probable.

Ce serait alors à la fois un signe d’exclusion par le monde, c’est-à-dire par ceux qui ne se reconnaissent pas dans cette nouvelle foi, mais aussi un signe d’appartenance à la nouvelle communauté.

Il s’agit peut-être aussi d’un signe d’appartenance à la nouvelle création.

Être une nouvelle création de Dieu, pourrait laisser, symboliquement j’entends, une trace dans la peau et modifier le corps.

Paul s’adresserait ainsi à ses destinataires, au-delà du langage, par une métamorphose de son corps.  

Est-ce que nous pourrions dire que nous ressentons dans notre corps le fait que nous mettons toute notre confiance en dehors de nous-même, en Dieu ?

Évidemment, il ne s’agit pas d’avoir des traces physiques dans notre corps !

Mais peut-être pour certains d’entre nous, de ressentir autrement qu’intellectuellement, que par notre pensée, les effets de cette nouvelle création à laquelle Dieu nous appelle.

Cette confiance qu’il nous appelle à mettre en lui, c’est à dire hors de nous-même, nous enlève le poids d’être responsables de nous-mêmes, de notre présent et de notre avenir.

Peut-être que ce déplacement, cet allègement et la solidité qu’ils entraînent nous pouvons les ressentir jusque dans notre corps.  

Amen

Plaisance, dimanche 7 juillet 2019 — Pasteure Marie-Pierre Cournot

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