Éphésiens, 2.1-22
Chers amis,
Peut-être ne pensiez vous pas venir ici ce matin écouter une leçon d’architecture !
Pour commencer, mettons les choses aux clair, cette lettre de Paul aux Éphésiens, n’est ni de Paul, ni aux Éphésiens.
Ce n’est pas juste pour faire droit aux détails ou à la vérité historique que je précise cela mais parce que c’est ce qui donne en grande partie son sens à la lettre et au passage que nous venons de lire.
Les historiens et exégètes savants attribuent cette lettre à un disciple de Paul écrivant dans les années 80 à 100 du premier siècle de notre ère, c’est-à-dire une dizaine, voire une trentaine d’années après la mort de Paul.
À cette époque la propriété littéraire n’existait pas et la coutume était de mettre les écrits sous le patronage de personnalités reconnues, souvent déjà mortes, parfois depuis longtemps, en disant que c’était elles qui les avaient écrits, et c’est dans cette optique que le nom de Paul est mentionné au début de la lettre.
Les manuscrits les plus anciens dont nous disposons, n’indiquent pas la mention « aux Éphésiens » qui a probablement été rajoutée quelques années plus tard, également pour donner à la lettre plus de valeur car à Éphèse était implantée une des plus grosses communauté chrétiennes.
C’était donc donner doublement du poids à cette lettre que de la considérer comme un écrit de Paul adressé à la communauté chrétienne d’Éphèse.
Mais cette lettre s’adresse probablement en réalité à l’ensemble du monde chrétien naissant.
Les communautés fondées par Paul sont complètement perdues après sa mort, lui qui était à la fois leur boussole et leur lien.
Le risque est grand que chacun poursuive sa propre voie au gré des personnalités charismatiques qui voudront bien se faire entendre, comme cela commençait déjà du vivant de Paul.
On comprend bien que les disciples de Paul aient ressenti le besoin de les rassurer et de les guider par un écrit dont un des thèmes majeurs est l’unité de l’Église.
L’auteur de la lettre rappelle le message du Christ, qu’il appelle une bonne nouvelle.
Et quelle est cette bonne nouvelle ? La paix.
Jésus est venu pour nous dire que nous avions tous accès à la paix à condition de mettre notre confiance en celui qu’il appelle le Père, c’est à dire en Dieu.
L’auteur insiste pour dire que nous sommes tous légitimes pour accéder à cette paix.
Cette paix est la fois paix intérieure, plénitude, confiance en l’avenir et peut-être surtout décentrement par rapport à nous-mêmes et à nos soucis pour ancrer notre point de fuite au-delà de nous-mêmes, en Dieu.
Cette paix, Jésus l’offre à tous, « à vous qui étiez loin et à ceux qui étaient proches ».
On peut entendre qu’il n’y a pas de frontières géographiques : d’où que vous veniez Dieu vous attend.
On peut aussi entendre : quelle que soit votre famille et votre religion, le Dieu de Jésus Christ vous offre sa paix.
Les communautés de l’époque étaient composées de deux groupes d’origine fort distincte et peu prêtes à s’accepter mutuellement : les juifs et les non juifs.
Les non juifs étaient tous membres de l’empire romain, célébrant le culte romain, c’est-à-dire en premier lieu le culte de l’empereur intégré dans tout le panthéon des dieux romains.
Le terme consacré par l’histoire pour parler d’eux, c’est les païens.
Les premières communautés chrétiennes regroupent donc des juifs et des païens que tout opposait jusque-là et qui n’avait rien à partager.
Ils se retrouvent pourtant autour de la confiance qu’ils mettent en cet homme, Jésus Christ, et en sa conception d’un rapport à Dieu très différent de ce qui existait alors pour les juifs comme pour les païens.
Le Dieu que Jésus est venu représenté sur terre, est un Dieu qui rassemble, un Dieu qui se laisse trouver sans condition d’accès.
Qui que vous soyez, d’où que vous veniez, quoi que vous croyiez, Dieu est là pour vous.
Plus personne n’est considéré comme étranger ou exilé nous dit le texte.
Vous tous qui êtes ici, vous êtes chez vous.
Quelle que soit votre origine, votre famille, votre éducation, vos présupposés, vos croyances, votre absence de croyance, votre Église, vos principes fondateurs, vous êtes membres de la maison de Dieu.
Si vous le souhaitez, il y a une place pour vous dans cette grande maison.
Vous êtes même cette grande maison, je cite :
« Vous avez été construits sur les fondations constituées par les apôtres et les prophètes, Jésus lui-même étant la pierre de l’angle ».
« Vous êtes construits ensemble pour être une habitation de Dieu, dans l’Esprit ».
« Dans l’Esprit », cela veut dire dans l’Esprit de Dieu, celui que l’on appelle souvent l’Esprit saint et dont David, le papa d’Ilsée nous parlait tout à l’heure.
C’est une grande maison, toujours en chantier 20 siècles après, qui s’édifie petit à petit de toutes les personnes qui la rejoignent, autour de la pierre d’angle, c’est à dire de Jésus.
Vous êtes libres d’imaginer que la pierre d’angle c’est une pierre de fondation sur laquelle tout est basé.
Ou plutôt une clef de voûte qui retient l’édifice et lui donne cohérence.
En tout cas, comme pierre d’angle, Jésus est à la réunion de plusieurs mondes.
Pour qu’il y ait un angle il faut que différentes parties convergent.
Le Dieu qui se fait connaître en Jésus nous apporte à chacun la paix dont nous parlions tout à l’heure, la sécurité de se sentir attendu et aimé par quelqu’un d’inébranlable, la solidité de savoir que notre être ne dépend pas de nous, que nous sommes plus forts que notre propre faiblesse.
Il nous permet de nous construire sur un fondement solide qui pourra résister aux épreuves de la vie.
Mais c’est aussi en partageant cette même confiance en quelque chose qui est au-delà de nous que nous pouvons tous, qui que nous soyons, d’où que nous venions, être ensemble, rassemblés par une pierre d’angle qui nous fait tenir ensemble.
Notre lettre parle même d’un sanctuaire saint, d’une habitation de Dieu.
Ainsi construits nous devenons nous-même le lieu où s’incarne l’amour que Dieu porte à l’humanité, où se déploie la paix qu’il nous offre.
C’est tout cela qui se dit dans le baptême, tout cela que chacun de nous peut entendre aujourd’hui pour lui-même et que nous disons à Ilsée.
Nous aurons tous, vous David et Marianne ses parents, Isabelle et Eric ses marraine et parrain, et nous tous ici présents à lui dire et redire sans cesse et surtout à le lui montrer.
Mais justement nous ne sommes pas seuls !
Amen
Plaisance, dimanche 23 juin 2019, baptême d’Ilsée Bordes — Pasteure Marie-Pierre Cournot