Pentecôte

Actes 2.1-11

Est-ce que vous diriez que votre vie est bien remplie ?

Je sais que pour certains d’entre vous, la vie ne fait que commencer, pour d’autres, elle commence depuis plus longtemps.

Mais prenons-nous comme nous sommes ce matin, avec l’âge que nous avons et posons-nous cette question :

« Est-ce que quand je regarde ma vie, toutes mes années de vie, est-ce que c’est bien rempli ? »

Je vous interromps dans votre réflexion, pour poser une deuxième questions :

« Qu’est-ce qui remplit une vie ? »

Et qu’est ce qui la remplit « bien » ?

Certainement, les choses que l’on estime les plus importantes dans sa vie, ce que l’on appelle « les priorités ».

Vous connaissez l’histoire des pierres et du sable que l’on raconte pour illustrer la gestion des priorités ?

Imaginez un gros bocal qui représente notre vie.

Et puis des grosses pierres, du gravier, du sable et de l’eau qui sont les différents composants de notre vie.

Comment faire pour que tout tienne dans le bocal ?

Il n’y a qu’une seule façon de faire, c’est de mettre d’abord les grosses pierres, puis le gravier qui va s’insinuer entre les grosses pierres, puis le sable qui glisse dans les interstices, et enfin l’eau qui remplit tous les vides.

Si vous mettez d’abord le sable, puis les graviers, il n’y aura plus de place pour les grosses pierres.

Dans cette histoire, les grosses pierres ce sont les priorités de nos vies.

Elles sont différentes pour chacun de nous, mais on peut imaginer qu’il y a dans les grosses pierres : peut-être notre famille, notre santé, les causes que nous défendons, nos passions, nos amis …

Ou complètement autre chose …

Les graviers, c’est déjà moins important : peut-être notre travail (à moins que ce ne soit une grosse pierre), nos loisirs …

Le sable et l’eau, c’est tout ce qui ne compte pas vraiment.

Ce matin, nous pourrions rajouter qu’il y a peut-être une pierre, un gravier ou un grain de sable qui représente la place de Dieu dans notre vie.

C’est une histoire classique qui se raconte dans les grandes écoles de management dans le module « gestion des priorités ». 

Dans la vie, il faut commencer par donner la place aux priorités.

C’est certainement vrai et pourtant ce n’est pas toute la vérité.

On peut être plein de toutes nos priorités, la famille, le travail, les amis, les passions, et pour autant trouver que tout cela ne s’agence pas avec cohérence.

Que les choses s’entrechoquent, parfois dans un bruit assourdissant.

Que malgré tous ces pleins, il y a du vide qui peut, paradoxalement, prendre parfois une place folle.

Il manque un lien qui donne du sens à tout ce qui remplit notre vie.

Il manque en effet ce que l’histoire du bocal et des pierres représente par le sable ou l’eau, et que le récit des Actes des Apôtres appelle l’Esprit saint.

Les disciples étaient assis tous ensemble (tous ensemble, nous y reviendrons dans un instant) quand un vent violent remplit toute la maison.

Ce vent, c’est déjà l’Esprit qui arrive, c’est d’ailleurs en grec quasiment le même mot, un mot qui veut dire souffle (nous y reviendrons aussi).

L’Esprit qui arrive, qui remplit toute la maison, touche les disciples, et eux aussi les remplit.

Cet Esprit vient comme un vent mais aussi comme des langues de feu qui se posent sur chaque disciple.

Il y a dans ce texte tout un jeu autour de l’un et du multiple.

Les disciples sont tous ensemble, quand ils sont touchés par l’Esprit représenté à la fois comme un, « le vent », et comme multiple « des langues de feu ».

Car l’Esprit ne vient pas globalement sur le groupe des disciples, le texte prend bien la peine de nous dire que les langues de feu se séparent les unes des autres pour qu’il y en ait une qui se pose sur chaque disciple.

Dans l’épisode qui précède notre récit, les disciples, qui n’étaient plus que onze après la mort de Juda le traître, ne supportent pas cette atteinte à l’intégrité du groupe, comme si cela les empêchaient de témoigner de tout se qu’ils avaient vécu à douze avec Jésus.

Ils choisissent donc un nouveau disciple pour être à nouveau au complet, combler le vide et former à nouveau un tout.

Et c’est ce « tout » qui, le jour de Pentecôte, est dans la maison comme un ensemble que l’on ne peut pas dissocier : la corporation, ou le corps des disciples en quelque sorte.

Mais voilà que l’esprit vient les remplir chacun individuellement.

Les disciples deviennent alors des personnes et plus uniquement les membres d’un groupe.

Cette personnalisation des disciples leur permet de s’adresser dans sa propre langue à chacune des personnes du public qui a accouru :

« La multitude fut bouleversée parce que chacun les entendait dans sa propre langue ».

Les gens stupéfaits s’exclament : « comment se fait-il que chacun de nous les entendent dans sa langue maternelle ? » ou plus exactement « dans la langue dans laquelle nous sommes nés ».

Remplis d’Esprit-saint, les disciples sont en capacité d’interagir personnellement avec des personnes aussi différentes que des Parthes, des Mèdes, des Élamites, des habitants de Mésopotamie, de Judée, de Cappadoce, du Pont etc …

La langue, obstacle de base pour la communication entre les personnes, n’en est plus un pour les disciples dont la vie est remplie d’Esprit-saint.

Il ne s’agit pas de parler toutes les langues, pas du tout, mais de parler à une personne, à quelqu’un qui vous comprend, même si c’est un étranger.

De toucher quelqu’un dans son cœur.

De remonter même par ce dialogue, jusqu’au langage de sa naissance.

L’esprit que Dieu nous envoie est au-delà de la langue, il permet de partager au-delà des conventions et des modèles d’élaboration de la pensée qui sont constitutifs du langage.

L’esprit qui se sépare pour nous abreuver tous, c’est ce qui fait que les pierres, les graviers et le sable de nos vies prennent sens.

Mais c’est aussi notre lien avec les autres, notre matière commune, notre essence partagée.

C’est comme dans la Genèse, ce souffle par lequel Dieu a mis de la vie dans la poussière de la terre pour que l’homme devienne un être vivant.

Nous faisons souvent partie de plusieurs identité d’ensemble.

Par exemple notre famille : nous sommes parfois les dignes descendants d’une grande famille.

Et l’identité familiale peut prendre le pas sur la nôtre.

Cela peut aussi être le cas pour notre famille professionnelle.

Nous faisons peut-être partie d’un club de pêche, ou de sport, ou un club de jeux de rôle ou bien d’un parti politique.

Ou même figurez-vous du club des protestants historiques, des Églises issues de la Réforme !

Nous pouvons avoir tendance à nous considérer comme membre d’un tout et à nous satisfaire de cela.

Ce qui est tout à fait normal puisque d’abord c’est tout à fait vrai, et ensuite c’est rassurant.

Mais le livre des Actes nous dit que cela ne suffit pas.

Pour être des êtres vivants, il faut agir par soi-même, retrouver notre identité propre, loin de l’unité.

C’est comme cela que l’on est entendu et compris par les autres.

Dans une relation directe, de l’un à l’autre.

On pourrait presque dire dans une relation intime, intime dans ce qu’elle a à voir avec ce qui fait notre identité propre.

L’esprit saint n’est pas une question de gestion des priorités.

C’est ce qui vient en plus, quand on croit qu’il n’y a plus de place, que tout est plein, qu’on n’a plus besoin de rien parce qu’on a bien retenu la leçon et qu’on a bien mis les gros cailloux en premiers.

L’esprit saint, c’est un lien direct que Dieu construit avec nous.

Un peu de sa divinité qu’il nous envoie pour nous remplir.

Comme son souffle qui rend la terre vivante dans le récit de la Genèse et comme ce vent ou ces langues de feu qui rendent les disciples vivants dans les Actes des apôtres.

Vivant c’est-à-dire unique.

Et unique, donc capable d’entrer en relation avec un autre.

Le Dieu Un de notre monothéisme, n’a rien de plus important que de se disperser infiniment pour rayonner jusqu’en chacune de ses créatures que nous sommes.

C’est peut-être dans cette petite langue de feu qui nous habite que se trouve notre authenticité.

Quand on veut être vrai, être vrai avec quelqu’un ou être vrai avec soi-même, ce n’est pas à notre appartenance de groupe qu’il faut faire appel.

Mais plutôt à cette force que Dieu met en nous : l’assurance que nous sommes un être vivant, un être unique au regard de l’amour que Dieu nous porte, un être capable de communiquer, de communier avec d’autres êtres vivants, uniques et aimés de Dieu.

Amen

Plaisance, dimanche 9 juin 2019 — Pasteure Marie-Pierre Cournot

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