Que ferez-vous pour l’avenir de la Terre ?

Jérémie 5.20-31

Comme la plupart des prophètes, le boulot de Jérémie c’est de prévenir le peuple qu’il n’est pas fidèle aux enseignements de Dieu et que si ça continue, Dieu va envoyer une catastrophe.

Jérémie n’est pas tendre.

Il traite le peuple de « stupide », de « déraisonnable », « d’aveugle » et de « sourd » (« Ils ont des yeux et ne voient pas, ils ont des oreilles et n’entendent pas ! » v. 21).

Et puis viens au v. 22 « Ne me craindrez-vous pas ? ».

La « crainte de Dieu » est, dans une grande partie de l’Ancien Testament, le comportement que l’on attend des fidèles.

De nos jours « la crainte de Dieu », cela peut paraitre très bizarre, voire totalement absurde.

Cela englobe une notion de respect et de fidélité, un peu comme l’attitude d’un enfant vis à vis de ses parents.

Mais il y a aussi de la crainte au sens propre puisqu’en cas de mauvaise conduite, Dieu condamne et envoie un châtiment, souvent sous forme de catastrophes naturelles.

C’est ainsi qu’à l’époque est pensée la relation à Dieu et au monde.

Vingt-cinq siècle plus tard, les théologiens, les philosophes, les progrès scientifiques ont permis qu’une autre façon de concevoir les choses s’élabore.

Ce n’est plus la crainte qui définit nos relations avec Dieu.

C’est plutôt la confiance.

Une confiance réciproque bien que totalement dissymétrique.

Celle que Dieu a à notre égard est inconditionnelle et éternelle, celle que nous avons pour Dieu est … chacun sait comment est sa confiance en Dieu.

Cette conception n’est pas totalement absente de l’Ancien Testament, on la trouve dans d’autres textes que celui que nous étudions ce matin.

Comment Dieu est-il définit dans cette prophétie de Jérémie ?

Dieu est celui qui donne les limites.  

Et Jérémie de donner cet exemple du sable qui limite la mer :

« Moi qui ai donné à la mer le sable pour frontière, comme une limite permanente qu’elle ne passera pas ».

Pour nous le sable, c’est peut-être des images de plage et de vacances, rien que du positif !

Et pourtant, c’est fou ce que cet exemple cité par Jérémie prend de sens au 21e siècle où l’utilisation intensive du sable marin dans l’industrie est un problème majeur auquel notre planète est confrontée.

Le sable marin entre dans la fabrication de très nombreux éléments de notre quotidien : du verre dans lequel on boit ou qui nous protège du vent et de la pluie, au microprocesseur de notre ordinateur, sans oublier évidemment toute l’industrie du bâtiment qui en a terriblement besoin puisque le sable entre pour plus de la moitié dans la composition du béton.

Il y a encore bien d’autres usages cachés dans notre vie courante ou dans des secteurs industriels plus pointu.

Le sable est la deuxième ressource naturelle la plus employée après l’eau.

Je parle du sable marin, c’est-à-dire le sable des plages ou de la mer, car le sable des déserts est le plus souvent inutilisable dans l’industrie car, si j’ai bien compris, il s’agrège mal.

Le sable n’est pas une ressource renouvelable, une fois qu’il est utilisé dans l’industrie il est piégé, et ne redeviendra jamais du sable.

Jérémie le dit bien, le sable est là pour être une barrière aux flots puissants.

En vidant, les plages de leur sable, partout sur terre, l’être humain fait sauter la frontière que Dieu avait mise pour dompter l’eau de la mer, avec pour conséquence très actuelle, la montée des eaux déjà largement favorisée par le réchauffement climatique.  

En nous conduisant ainsi, nous remettons en question l’essence même de Dieu qui est de définir des limites permanentes, éternelles et universelles.

Nous sommes comme le peuple de Juda qui a le cœur indocile et rebelle, nous ne voulons pas butter sur les limites posées par Dieu.

Je crois que ce qui est en jeu ici, c’est une idée de toute-puissance.

L’être humain, qui a réussi grâce au progrès à se protéger de bien des catastrophes naturelles et des épidémies, se croit du coup tout-puissant devant la création.

Il est certes le plus évolué des habitants de la planète, mais cela ne lui donne pas pour autant un droit de disposer à sa guise des ressources naturelles.

D’ailleurs s’il le fait, il court droit à sa perte et à celui du reste de la création.  

La preuve avec cette histoire de sable.

Le problème du sable, c’est une métaphore pour Jérémie, mais c’est devenu une réalité concrète de nos jours.

Mais il y a un autre exemple que nous donne Jérémie qui nous concerne encore plus directement, c’est au verset 24 :

« Craignons le SEIGNEUR, notre Dieu, qui donne la pluie en son temps,

la pluie d’automne et la pluie de printemps,

et qui nous garde les semaines fixées pour la moisson. »

Dieu est celui qui fixe le temps.

Et le temps est bien une limite que nous aimons dépasser.

Tous les efforts que nous faisons et les secrets espoirs que nous formons pour vivre le plus longtemps possible en sont les témoins.

C’est étonnant de vouloir à la fois que nous voulons que le temps s’allonge et qu’il passe plus vite.

Car nos modes de vies ne supportent plus les lenteurs, les longueurs, toutes choses regroupées sous l’appellation « perte de temps ».

Il faut dire que le temps reste un mystère que comme tout le reste, nous aimerions bien maîtriser, mais qui nous résiste, malgré toute la technologie.

Je vais paraphraser un des plus grands théologiens du 20e siècle (Paul Tillich pour ceux qui veulent savoir) : le temps est à la fois notre destin et notre perte.

Il est clair que le temps est le principe même de notre finitude.

Cette limite est souvent très douloureuse à accepter, que nous n’avançons que vers notre fin.

La seule certitude humaine, c’est que le chemin s’arrêtera.

Cela pourrait être rassurant, et d’ailleurs il y en a certains que cela rassure.

Mais le plus souvent, cette avancée inéluctable suivant un mécanisme mystérieux, vers un moment qui nous reste toujours inconnu et dans des circonstances que nous ne maîtrisons pas, est vécue comme terriblement angoissant et comme une limite à toujours repousser.

C’est d’ailleurs étonnant de voir à quel point l’expression « dépasser ses limites » est positive dans notre culture.

Je crois que notre conception du temps participe de cette course folle vers notre perte.

Notre temps se découpe en trois phases : la passé, le présent et l’avenir.

Mais se découpage n’est pas fixe, puisqu’à chaque instant il se modifie.

Le présent, rien que de le dire, n’est déjà plus le présent.

Le passé n’existe que parce qu’il est souvenir dans le présent.

Le futur n’existe que parce qu’il n’existe pas encore.

Dans le monde hébraïque ancien, le temps est beaucoup plus complexe, il n’y a pas de passé ni de futur, pas plus de présent d’ailleurs.

Le temps est découpé en deux : il y a ce qui est accompli et ce qui ne l’est pas encore.

Et ne croyez pas que ce qui est accompli soit synonyme de passé, et que ce qui n’est pas accompli soit synonyme de futur !

On peut parler d’actions inachevées qui se situent dans le passé ou bien d’actions futures qui seront achevées.

Du coup le temps ne se déroule pas selon une ligne droite qui file inexorablement et que l’on voudrait sans cesse arrêter au risque de perturber son secret agencement.

Jérémie, parlant du rythme des saisons et du climat, nous dit que ce sont nos fautes qui ont tout perturbé et nos péchés qui nous privent de ces biens !

Cela peut nous faire rire !

Ce n’est pas parce que nous n’avons pas été gentils avec notre voisin ou que nous avons menti que la pluie d’automne et la pluie de printemps sont déréglées !

Mais n’ayons pas peur des mots, c’est bien de notre faute si le climat est déréglé et si la montée des eaux menace partout sur le globe.

Nous n’avons pas voulu rester à notre place.

Nous n’avons pas voulu respecter les limites qui étaient fixées et qui nous protégeaient.

Nous nous somme sentis plus forts et plus puissants que tout.

Écoutons Jérémie :

« Ce qui se passe sur la terre est atterrant, terrible.

Mais que ferez-vous pour l’avenir de la terre ? »

Amen

Plaisance, dimanche 19 mai 2019 — Pasteure Marie-Pierre Cournot

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