Diriez-vous que nous sommes en paix ?

Jean 20, 19-23

Frères et sœurs,

Diriez-vous que nous sommes en paix ?

Diriez-vous que vous êtes en paix ?

Il faudrait déjà s’entendre sur ce que c’est qu’être en paix !

Quelques indices dans ce texte de Jean.

Ce texte est souvent lu pour la Pentecôte à cause de Jésus qui souffle sur les disciples et leur dit « Recevez l’Esprit saint ! ».

Dans quelques semaines, quand nous serons réellement à la Pentecôte, nous lirons le passage des Actes des apôtres où le don de l’Esprit se fait à grand renfort de bruit, de vent et de langues de feu.

Vous verrez, on se croirait dans une super production hollywoodienne !

Chez Jean, c’est tout différent.

L’Esprit vient dans l’intimité des cœurs.

Chez Jean les disciples se sont enfermés, ils ont peur.

Jean nous dit que c’est par crainte des juifs, ce qui est un anachronisme total et reflète la situation très tendue entre premiers chrétiens et juifs qui a lieu non pas à la mort de Jésus mais à l’époque de la rédaction de cet évangile, c’est à dire plus de cinquante ans après.

Il n’empêche, les disciples sont certainement complètement hébétés par ce qui vient de se passer.

Rappelez-vous que cette scène se passe le jour de la découverte du tombeau vide, juste après la visite de Marie-Madeleine venue leur annoncer qu’elle a vu Jésus et qu’il lui a dit qu’il allait monter vers Dieu.

Ils n’ont pas l’air d’avoir intégré tous ces événements, en tout cas ils n’ont pas l’air d’y croire.

Il faut dire qu’il y a de quoi être bouleversé !

Et peut-être aussi un peu vexé que Jésus soit apparu et ait parlé à Marie-Madeleine et pas à eux.

On imagine leur confusion, leurs doutes, leurs questionnements.

Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’ils veuillent se retrouver entre eux !

Plus que la pièce où ils se trouvent, ce sont leurs esprits qui sont fermés, incapables de s’ouvrir à ces événements extraordinaires qui viennent d’arriver.

Et voilà que Jésus vient leur rendre visite.

Jésus vient parler à leurs esprits indécis et craintifs.
Les premiers mots qu’il leur dit, c’est « La paix soit avec vous ».

Cela n’a rien d’extraordinaire, certainement les disciples se souhaitaient quotidiennement la paix entre eux, c’est la salutation hébraïque habituelle : « Shalom alékhem ».

Shalom, le mot hébreu pour dire la « paix ».

Alékhem, sur vous.

Pourtant dans les Évangiles, il n’y a que Jésus qui souhaite la paix.

La paix est liée à Jésus.

Nous sommes le soir de Pâques.

En parlant il leur montre les traces de sa mise à mort dans ses mains et sur son flanc.
Ce sont ces marques qui permettent aux disciples de faire le lien entre cet homme qui leur apparait dans cette pièce fermée et celui que tous ont connu et ont suivi le long des routes, jusqu’à ce que tout s’arrête et qu’il soit tué.

C’est la marque du miracle de Pâques : le Jésus qui vient est le Jésus d’avant.

Sinon, cela n’a aucun sens. 

Le don de la paix s’enracine dans ce miracle.

Lorsque Christ dit « La paix soit avec vous », ces mots prennent une autre mesure que celle de la formule de politesse.

D’abord il les répète, justement pour sortir de la formule convenue, pour que cette paix devient réalité pour qui la reçoit.

Elle atteste l’ouverture du temps nouveau, du temps de la paix, inauguré par la résurrection.

Ensuite, quand on dit à quelqu’un « La paix soit avec toi », on lui souhaite bien sûr l’absence de guerre et de combats, ainsi qu’une certaine forme de paix intérieure.

Mais dans le monde hébraïque, c’est beaucoup plus que l’on souhaite quand on dit Shalom alékhem.

Shalom, a deux sens, à première vue assez différents, voire opposés.

Le sens d’être plein, complet, achevé donc solide et en sécurité.

Et aussi celui le sens de changer d’avis, de se résigner, et même figurez-vous, le sens de se soumettre, en particulier à Dieu !

C’est le sens que l’on retrouve dans le mot Islam qui vient de la même racine que Shalom, et qui veut dire « soumission à Dieu ».

La paix c’est donc, d’une part un état de plénitude, de complétude.

Et d’autre part un état de soumission.

Prenons le premier des deux pour commencer.

Un état de complétude et plénitude.

Qu’est ce qui permet d’atteindre cet état ?

Beaucoup de choses et d’ailleurs les offres de méthodes d’épanouissement personnel se multiplient, à base de méditations diverses, de régimes alimentaires, d’exercices physiques, de diverses formes d’art et d’autres choses encore que j’ignore …

Je n’ai rien contre bien au contraire.

Tout cela aide beaucoup à condition de trouver la démarche qui convient à chacun.

Mais pour être restauré dans une plénitude originelle sans blessure, il faut le pardon.

Il faut recevoir le pardon.

Se sentir pardonner.

Ne pas être constamment rogné par la culpabilité qui nous ampute d’une partie de nous-mêmes, comme si elle interdisait l’accès à notre profondeur en maintenant à vif une plaie qui mobilise toutes nos ressources.

Ce qui vient faire sens ici, c’est que nous sommes nous-mêmes pardonnés, par la toute-puissance de la grâce de Dieu.

Nous l’avons redit tout à l’heure au début de ce culte, comme tous les dimanches.
Je crois que le pardon et la paix sont très liés.

Le pardon que Dieu nous donne, nous apporte la paix, cette sérénité grâce à laquelle nous pouvons nous retrouver complètement, comme cicatrisés !

Barricadés dans leur peur les disciples n’étaient tournés que vers eux-mêmes, centrés sur leur malheur d’avoir perdu leur maître, se sentant abandonnés.

À tel point qu’ils n’avaient pas entendu, pas compris, ce que disait Marie-Madeleine, que leur maître était vivant !
La paix que Jésus leur offre libère les disciples de leurs incompréhensions et leurs angoisses, et leur permet d’être ouverts à cette bonne nouvelle.

Et les disciples libérés sont immédiatement envoyés vers les autres.
Avec la paix que nous pouvons tirer de l’assurance d’être pardonnés, nous devenons les envoyés du Christ : « La paix soit avec vous, comme le père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie ».

Restaurés par le pardon, nous sommes prêts pour le service !

Et c’est là qu’intervient la soumission dont je parlais.

Ce n’est ni une soumission passive, ni une sorte d’emprise dans laquelle nous serions maintenus contre notre gré.

Car plutôt qu’une soumission, c’est une mission dont il s’agit !

On pourrait même dire une vocation puisqu’il nous y appelle !

Le Christ souffle sur les disciples, comme Dieu avait fait dans la Genèse pour créer Adam en insufflant dans ses narines le souffle de vie.

L’Esprit sur les disciples, c’est comme une création à nouveaux frais.

Nous voilà devenus des créatures nouvelles.
L’Esprit nous donne un pouvoir énorme, celui de pardonner au nom du Dieu de Jésus-Christ.

Laissons-nous porter par l’Esprit au plus près, au cœur même de nos frères et sœurs, pour leur dire le pardon et la paix de Jésus Christ.

Cette paix qu’il nous offre, est une paix active, une paix qui nous rend libres de nous investir dans des combats.

Qui nous permet d’être créateurs.

Nous sommes envoyés pour transmettre la pardon du Christ, cette parole de vie qui fait se lever les barrières, les frontières et les verrous des portes fermées, qui libère de nos freins.

Nos blessures béantes, les nôtres, celles de notre monde, deviennent le lieu de tous les ré-engendrements possibles, le nôtre bien sûr et celui de celles et ceux auprès de qui nous allons témoigner en inventant toutes sortes de nouvelles formes de témoignage.

Cette mission nous inscrit dans l’avenir, loin du passé et du présent, c’est là que le Christ nous appelle, que sa paix nous mène, qu’il nous donne rendez-vous.
Soyons porteurs d’avenir pour nous et pour les autres.

Notre monde en a besoin.

Comment recevons-nous aujourd’hui, dans notre monde si perturbé, cette paix et ce pardon que le Christ nous donne et qu’il nous envoie partager ?
Quand on voit se renforcer les discours identitaires et sécuritaires (oui nous sommes enfermés dans nos peurs avec la porte de la maison verrouillée, comme les disciples)… il est clair que notre monde est perturbé.
Mais il l’était déjà au temps des disciples, différemment certes.

Avec cet empire romain qui gouvernait une bonne moitié du monde alors connu, qui tolérait les juifs dans une certaine mesure et qui bientôt persécuterait les chrétiens.

Et ce ne sera pas la fin des guerres de religions ni des volontés de garantir son identité par la violence !

La paix de Dieu que le Christ nous donne, cette assurance d’un amour et d’un pardon primordiaux, est une effrayante énergie mobilisatrice à notre disposition.
Elle s’offre au monde, à l’humanité entière pour la restaurer, précisément, dans son humanité, c’est à dire dans ses rapports avec les autres, dans ses rapports avec Dieu.

Alors accueillions la parole de paix du Christ, profitons de sa puissance de reconfiguration.

On reprend tout à zéro, en changeant la donne de départ.

Quelques soient nos histoires personnelles, nous avons tous reçu, dans la distribution initiale des cartes, le pardon du Dieu d’amour.

À nous de le faire vivre, de le partager, à nous de pardonner au nom du Christ et d’annoncer autour de nous « Que la paix soit avec toi ! ».

Le Christ nous attend, il compte sur nous.

Souhaiter la paix à quelqu’un, c’est lui souhaiter le bien-être, la stabilité, la santé, la prospérité, le bonheur, la sécurité, tout ce que vous voulez.

Mais c’est surtout lui souhaiter de suivre le chemin de Dieu et de trouver la restauration, la plénitude, grâce à ce pardon originel reçu et partagé.

Frères et sœurs, « Que la paix soit avec vous ! ».

Amen !

Plaisance, dimanche 5 mai 2019 – Pasteure Marie-Pierre Cournot

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