Prière d’illumination
Nous lisons dans ce livre des paroles anciennes qui disent l’indicible dans la fragilité de nos vies.
Dieu, permets-nous d’y puiser nourriture et force.
Je vous invite à écouter ces textes qui parlent au cœur de chacun.
Méditation 1
Matthieu 15.21-28
Dans le passage précédant, Jésus et ses disciples étaient à Génésareth, ville dont on ignore la localisation exacte, probablement au nord-ouest du lac de Tibériade, c’est-à-dire au nord-est de la Palestine.
Jésus part donc de là pour traverser le pays d’est en ouest et se rendre sur la côte méditerranéenne dans la région des villes de Tyr et de Sidon.
Il faut probablement voir cette précision géographique plutôt comme une indication théologique.
Ces deux anciennes villes Phéniciennes, sont souvent dans la Bible synonyme de territoire païen, bien que de nombreux juifs y résidaient.
D’ailleurs cette femme est cananéenne, du nom dans la Bible de la terre promise avant qu’elle ne soit conquise par le peuple hébreu et avant qu’il n’y ait donc le moindre israélite : c’était « le pays de Canaan ».
Elle nous est ainsi présentée comme une étrangère pour Jésus, non juive de surcroît.
Mais elle, cela ne l’arrête pas, puisqu’elle lui demande de l’aide pour sauver sa fille malade.
On la sent désespérée, elle crie de douleur pour s’adresser à Jésus et évoquer le mal cruel qui lui arrache sa fille.
Dans un premier temps Jésus, lui répond qu’il « n’a été envoyé que pour les moutons perdus de la maison d’Israël ».
Au passage, il est toujours bon de réentendre que Jésus est là pour les personnes perdues et pas pour celles pour qui tout va bien ! D’ailleurs y en a-t-il ?
Les personnes perdues, ce sont par exemple, celles qui sont en train de se perdre dans la douleur ou le questionnement, que la précarité d’une séparation fait glisser dans la pente du désespoir.
Un cours dialogue entre la femme et Jésus illustre que cette femme ne fait pas partie de la maison d’Israël et que donc Jésus n’est pas là pour elle.
Il y a cette histoire un peu obscure de chiens qui mangent les miettes des enfants.
Jésus dit « Ce n’est pas bien de prendre le pain des enfants pour le jeter aux chiens. »
« Le pain des enfants » c’est ce qui est donné aux descendants d’Israël par Dieu, c’est-à-dire Jésus lui-même.
Le Dieu des Hébreux leur a envoyé Jésus.
« Pour le jeter aux chiens » : c’est se servir des pouvoirs de Jésus pour faire des guérisons comme celles faites par les nombreux guérisseurs de l’époque, sans relier sa présence et son action à Dieu.
Jésus n’est pas un guérisseur lambda, et ses guérisons ne sont pas l’objectif de sa présence, mais un moyen pour lui de faire comprendre qui lui donne cette puissance.
Jésus ne veut donc pas en libérant la fille de cette femme, passer pour un guérisseur de plus, certes doué, mais sans plus.
Mais dans un 2e temps, malgré – ou grâce à ses disciples puisque l’injonction « Renvoie-la » pourrait aussi bien être traduite par « Délivre-la » – Jésus se ravise.
Devant la confiance que lui fait cette femme, il chasse le démon qui possédait sa fille, sans rien exiger d’elle en termes de pratique religieuse.
La confiance que cette femme met en Jésus la délivre elle-même de la mort qui rôdait autour d’elle et l’envahissait.
Il y a des fois où notre douleur est telle que nous n’imaginons pas que Dieu puisse faire quelque chose pour nous.
Mais comme le dit ce récit, Jésus n’est pas là pour les bons pratiquants mais pour ceux qui doutent, pour ceux qui sont perdus dans la douleur.
S’il peut aider même une femme, même une étrangère, même une non juive, alors il peut tous nous aider. Aucun d’entre nous n’est exclu. Amen
Méditation 2
Marc 4.35-41
Dans ce texte encore nous voilà confrontés au bouleversement de la perte.
Les disciples sentent leur propre vie qui chancelle, qui leur échappe, ils voient leur fin arriver.
Il n’y a plus d’espoir.
L’eau de l’angoisse monte et va les engloutir.
Ils sont dans ce bateau, au milieu du lac, loin de la terre des vivants, comme arrivé au terme de leur chemin dont la tempête signe la fin.
Ils sont comme dans un entre-deux, déjà retranchés de la communauté des vivants, mais pas encore tout à fait mort puisque leur corps est encore animé.
Et ce qui va les engloutir, ce n’est pas tant la tempête que l’angoisse.
Cette peur dévorante, qui coupe un à un les fils qui nous retiennent à la vie, qui fait disparaître sous nos pieds les planches de salut aux quelles on a l’habitude de se raccrocher.
Le mot grec que Marc met dans la bouche de Jésus quand il dit aux disciples pendant la tempête « Pourquoi êtes-vous peureux », n’est pas le même que celui, au verset suivant qui décrit la réaction des disciples devant ce que Jésus vient de faire et qui est traduit dans nos Bibles par « Ils furent saisis d’une grande crainte ».
Le premier terme, c’est une peur qui tient du découragement, du désespoir, qui a en grec quelque chose à voir avec la lâcheté.
Pas une lâcheté qui relève d’une absence de courage, bien au contraire, mais une lâcheté parce que tout lâche, tout nous lâche, plus rien en nous n’est solide.
Le deuxième terme, traduit par crainte, c’est celui de la peur, de l’effroi, d’autres fois utilisé pour décrire la réaction des disciples face à Jésus.
Il y a là de la sidération mais aussi du respect.
C’est tout à fait lié à la façon dont on s’imaginait Dieu dans l’Ancien Testament.
Dieu était quelque chose de tellement sacré et de tellement mystérieux qu’être face à lui était synonyme de mort.
Personne ne pouvait voir Dieu en face à face.
Dans le livre de l’Exode où nous est raconté la rencontre de Dieu avec Moïse, Dieu explique que quand il passera devant Moïse, il mettra Moïse dans le creux d’un rocher et le couvrira de sa main pour que Moïse ne puisse pas voir sa face.
Une fois qu’il sera passé, Dieu retirera sa main pour que Moïse le voit de dos.
Cette crainte de Dieu a à voir avec notre finitude et notre fragilité d’être humain qui sont particulièrement criante devant la grandeur et la puissance de Dieu telles que l’on les imaginait à l’époque.
Cette crainte de Dieu, on ne dirait plus comme cela de nos jours, parle donc de respect et d’émerveillement pour une solidité et une fidélité à toute épreuve, celles que Dieu a vis-à-vis de nous.
Et c’est ce qui permet la confiance.
On ne peut pas traverser la vie sans être assailli par des tempêtes et des drames.
S’embarquer avec Dieu pour cette traversée, permet d’accepter ces risques avec confiance, celle d’un amour qui chemine avec nous, traverse tout avec nous et jamais ne nous abandonne.
Méditation 3
Jean 3.16
Sur les chemins de ce qu’on appelle la vie, se croisent et s’épousent à longueur de temps
mort et vie, deuil et naissance
trou noir et renaissance,
pleurs et rires, angoisses et paix,
vertige et assurance, fragilité et force,
indifférence et tendresse,
incertitude et convictions,
tous les « à quoi bon ? » et tous les « pourquoi pas ? » …
Ainsi va la vie au cent couleurs de vie et de soleil.
Dieu pèlerin embusqué
dans notre aventure humaine,
tu es de tous nos voyages.
Tu es sur nos grand-routes et nos chemins de traverse,
sur nos terres ensoleillées et nos bas-fonds obscurs,
présent à toutes nos aurores et tous nos crépuscules.
Reste avec nous quand il fait jour et quand il fait nuit.
Amen
— Anonyme
Nous terminons cette méditation par un petit texte de la théologienne Marion Muller-Colard.
Elle s’adresse à Dieu.
Tu es aussi l’absolu garant de la gratuité de nos vies.
Et moi qui ai tant combattu,
pour solde de tout compte te rendre la dette de mon existence,
Je comprends enfin que jamais je ne serai quitte auprès de toi
Non à cause de ma dette mais à cause de ta grâce
cette remise en circulation permanente de la vie vivante
Au seuil de ta demeure que j’ai trouvée en moi
je sais qu’être accompli signifie être capable d’infinis recommencements.
— Marion Muller-Colard
Amen
Plaisance, dimanche 3 novembre 2019, culte d’accueil des personnes qui ont perdu un proche — Pasteure Marie-Pierre Cournot