Prédication du 14 juin 2020 sur Exode 34,4-9 par la pasteure Marie-Pierre Cournot
Introduction à la lecture biblique
Prédication Exode 34,4-9 (en pdf)
Chers frères et sœurs, ce matin nous avons beaucoup de bonnes nouvelles au menu. Profitons-en. Ce n’est pas toujours comme ça. Alors nous avons :
« Dieu est miséricordieux (= plein de bonté et d’amour) et bienveillant, lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté, il reste fidèle à des milliers de générations, il supporte la faute, la révolte et le péché. »
Et puis aussi :
« Le Seigneur marche au milieu de nous et il fait de nous son patrimoine ».
C’est assez stimulant, n’est-ce pas ?
Je sais vous allez me dire que vous le saviez déjà et que ce ne sont pas des nouvelles ! Et bien alors, tant mieux pour vous !
Mais on va quand même les écouter ce matin, les redécouvrir, comme si c’était des nouvelles : « Dieu reste fidèle à des milliers de génération, il supporte la faute, la révolte et le péché »; « Dieu marche au milieu nous et fait de nous son patrimoine ».
Je suis sûre que vous allez aussi me dire que la phrase qui commence par « Dieu reste fidèle à des milliers de génération, il supporte la faute, la révolte et le péché » continue avec : « mais sans rien laisser passer, il poursuit la faute des pères chez les fils et les petits-fils sur trois et quatre générations » …
Ces deux morceaux de phrases sont en contradiction.
Nous avons là eux théologies différentes juxtaposées dans le texte, deux façons différentes de penser Dieu, deux façons opposées en l’occurrence.
C’est la trace de deux auteurs différents, issus de deux courants de pensée différentes probablement de deux milieux différents voire de deux époques différentes.
Et les personnes qui ont édité le texte biblique tel qu’il nous est parvenu, en mettant une touche finale à la rédaction avant que le texte ne soit canonisé, et bien ces rédacteurs ont gardé les deux traditions : le Dieu qui supporte la faute, la révolte et le péché, aussi bien que le Dieu qui ne pardonne pas la faute des pères et fait rendre des comptes aux fils jusqu’à la quatrième génération !
Cela rend pour nous complexe la tâche d’interprétation des textes bibliques.
Mais je crois que cette représentation d’un Dieu vengeur, nous fait aussi beaucoup de bien.
Je ne pense pas que nous ayons besoin de penser un Dieu qui ne pardonne pas pour nous tenir à carreau et ne pas commettre de fautes, pas du tout. Mais cela nous rappelle que nous ne pouvons pas façonner Dieu selon notre volonté. Dieu ne peut pas être comme nous le voulons, soumis à notre désir d’un Dieu de bonté infinie. Même si c’est ce qu’il est, un Dieu de bonté infinie, il nous rappelle ainsi qu’il échappe à notre maîtrise et à notre bon vouloir. Ce que nous disons de lui ne sera jamais qu’une représentation humaine de Dieu, qui lui est indicible.
Dieu n’est pas un « bon dieu », le « bon dieu » au sens de cette expression qui est devenue de nos jours plutôt péjorative, elle parle d’un Dieu stupide et naïf.
Moïse, lui, il fait un choix entre ces deux conceptions de Dieu, il n’a pas l’air de beaucoup réfléchir ni de trop hésiter, et il dit clairement, en s’adressant à Dieu : « Tu pardonneras notre faute et notre péché, et tu feras de nous ton patrimoine. »
En réalité en hébreu c’est plutôt « tu as pardonné notre faute et notre péché et tu as fait de nous ton patrimoine ».
Ce n’est pas au futur, mais c’est le temps d’une action déjà accomplie. Pour Moïse, c’est quelque chose de déjà sûr et certain, pas une éventualité du futur qui dépendrait d’on ne sait quoi. Non, c’est une certitude, l’humanité est déjà le patrimoine de Dieu depuis toujours, depuis qu’elle a été créée. Et pour toujours.
De nos jours on parle plutôt du patrimoine de l’humanité en parlant des monuments et des endroits que l’UNESCO a inscrit sur la liste du patrimoine mondial. Dans notre texte, ce n’est pas le patrimoine de l’humanité mais l’humanité qui est un patrimoine.
Et un patrimoine en hébreu, c’est comme en français. C’est une richesse, ce que l’on possède. Mais c’est aussi ce que l’on transmet à ses héritiers.
Ce que Moïse nous dit dans ce texte, c’est que nous sommes la richesse de Dieu.
Vous êtes la richesse de Dieu, vous et tous les autres qui vous entourent, de près ou de très loin.
Vous êtes aussi ce que Dieu a à transmettre.
Pas facile d’imaginer que Dieu puisse transmettre quelque chose à quelqu’un.
A qui Dieu peut-il transmettre ses richesses, son patrimoine ?
Eh bien, justement à nous tous. À nous l’humanité, sa création, et donc aux générations futures, celles qui ne sont pas encore là et qui nous succèderont, à vous aussi. Vous êtes la richesse de Dieu qu’il va transmettre à l’humanité future.
Voyez comme il faut vous considérer avec soin !
Mais aussi nous considérer tous puisque nous sommes tous membres de ce même patrimoine de Dieu. Cela nous lie TOUS les uns aux autres.
Cela me fait penser à un verset de l’évangile de Jean que certainement vous connaissez: « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son fils ».
Quand je dis TOUS, je suis sûre de ne pas me tromper puisque Jean l’a aussi compris comme ça, c’est pour le monde que Dieu a donné son fils. TOUT … le monde. Tout le monde.
Dans le passage de l’Exode, Moïse dit aussi à Dieu : « que le Seigneur marche au milieu de nous ! »
J’aime bien cette image de Dieu qui marche au milieu de ses richesses, il est sûrement fier d’elles, de sa création, de nous, de vous. Même s’il est aussi peut-être un peu triste de voir le monde en si piteux état, de voir sa création s’entretuer dans des guerres, son héritage s’autodétruire en différent endroits de la planète. Mais Dieu est là parmi vous, il vous contemple. Il marche au milieu de vous.
Et nous sommes encore proches de Pâques, cela prend tout son sens : Dieu a envoyé son fils pour marcher à nos côtés, dans nos chemins, dans nos ornières …
Les mesures de distanciation physiques, les masques et les mètres qui nous séparent, ne découragent pas Dieu. Il est là parmi les bancs à moitié vides et dans la nuée virtuelle de Zoom. Il passe au-delà de ces distances, au-delà de nos masques qui cachent la moitié de nos visages et nous permettent à peine de nous reconnaître.
Le dialogue entre Dieu et Moïse que nous avons lu dans le livre de l’Exode se déroule en haut de la montagne. Le texte nous dit que Moïse est monté au lieu du rendez-vous et que Dieu y est descendu depuis les nuées. On a donc à la fois un Dieu qui « habite » dans des territoires inconnus très haut ou très loin. Et un Dieu qui marche parmi nous.
Dieu réussit ce prodige d’être à la fois très éloigné de nous et très proche.
Parfois dans notre vie, on peut penser que Dieu est très éloigné. Tellement éloigné que d’ailleurs il n’a rien à nous dire, nous n’avons rien à lui dire. Cela vous est peut-être arrivé, et cela vous arrivera encore
Ou bien que Dieu est présent, mais très loin, très différent de nous, et qu’on ne peut jamais rien savoir sur lui. A d’autres moments de notre vie, on ressent que Dieu est en permanence là, tout près. Il est là, parmi nous, il marche avec nous. Dieu se fait très proche, on sent qu’il est là et qu’on peut lui parler. Cela vous est peut-être arrivé et cela vous arrivera.
Parce que même si nous ne le savons pas, même si nous ne le ressentez pas toujours, Dieu est là parmi vous, il marche à vos côtés.
Aucune de ces deux positions, Dieu très lointain ou Dieu très familier, si on la pend seule, ne me parait adéquate pour définir la distance entre Dieu et nous. Il faut assurément accepter les deux.
Il y a des moments dans notre vie, ou Dieu parait plus lointain, pas forcément plus loin de moi mais plus incompréhensible et moins appréhendable.
Et d’autre fois, Dieu vient au plus près de nous, dans notre monde.
Mais ce n’est pas un Dieu statique, un Dieu dont la position et le statut seraient définis une fois pour toutes. Il vient marcher à côté de nous, emprunter nos propres chemins, nos chemins souvent tortueux et plein virages parfois à 180 degrés.
Car c’est un Dieu de la deuxième chance.
Un Dieu qui pardonne à son peuple qui a bravé l’interdit de se faire des statues de Dieu. Un Dieu qui réécrit les tablettes cassées par Moïse dans la colère.
« C’est un peuple à la nuque raide » dit Moïse, cela veut dire un peuple qui fait le fier et le malin, qui a dû mal à baisser la tête et à obéir. D’autres traductions propose « un peuple rétif ». Mais Dieu ne s’arrête pas à ça, il est là, il pardonne.
C’est encore et toujours lui qui a l’initiative.
Nous n’avons donc pas à essayer de nous rapprocher de Dieu. Tout effort serait vain. Puisque c’est lui qui se rapproche de nous.
Il est là, parmi nous, il marche avec nous, il nous apporte lui-même son amour et sa paix, il nous apporte lui-même son fils pour que nous en ayons la preuve.
Alors souvenez-vous : vous êtes le patrimoine de Dieu, vous êtes son héritage.
Amen