Entretien avec le pasteur Jean-Paul Morley autour de son livre Penser Dieu aujourd’hui (Olivetan, 2020, 20€) : vendredi 4 décembre à 19h en direct par Zoom
En avant première de cette présentation, en voici une lecture par Françoise Smyth, professeur émérite de l’Institut Protestant de Théologie.
Un livre qui fait peut-être penser …
1ère partie : Lecture critique du credo, pp 21-77
Lecture critique du credo ou relecture des croyances chrétiennes telles qu’établies par des théologiens chrétiens entre les 3e et 4e siècles et telle qu’on en redit rituellement le texte dans la plupart des églises contemporaines, comme un lien fort entre elles toutes, malgré leurs différences.
C’est un texte de l’antiquité, il en porte les traces, sans être le Nouveau Testament (NT) où se fonde, dans la diversité de ses livres, la foi que nous partageons avec ses affirmations et ses questions. Le NT demeure, lui, objet d’étude commune qui n’a pas cessé de construire, déconstruire, reconstruire l’Évangile qui nous rassemble dans la confiance en Jésus, le Christ de Dieu pour le monde.
Or ce texte du 4e siècle, s’il témoigne d’un état vénérable de la croyance, ne nous est plus langage spontané ni même forcément véridique. Les pages de J.P. Morley actualisent la lecture ou la récitation de ce texte pour en faire une confession de foi audible dans une communauté d’aujourd’hui. Il n’est pas seulement question de vocabulaire mais aussi de signification. Une discussion du « je crois » manifeste résolument le choix d’appartenir au groupe qui exprime sa conviction commune. Un engagement, en somme. D’abord à l’égard d’un Dieu, père aimant créateur, libérant ses enfants pour des choix responsables qu’aucun destin ni pouvoir, malgré les peurs des anciens, ne peut plus gouverner.
Morley veut ensuite que l’on range la « toute-puissance » de la récitation traditionnelle avec l’œuvre créatrice du père et non comme un qualificatif à tous usages. Les Pères de l’Église du 4e siècle avaient affirmé cette puissance pour ranger les forces de la nature terrifiante du polythéisme au magasin du folklore inutile. Pour nous, c’est à la Shoa que nous pensons et à toutes les injustices de la terre : que fait ce Père s’il supporte toutes ces horreurs ? Le prophète Elie dirait « Dort-il ? » (1 Rois 18,27).
Liée à la merveille du geste créateur, cette « puissance » s’entend au mieux comme le choix amoureux de laisser à la créature la liberté d’évoluer. Ce « laisser vivre » transforme lui-même la relation que le Père peut avoir avec ses enfants. Il s’agit qu’à sa confiance jusque dans la faiblesse de notre humanité, réponde celle de l’aveu de nos manques transfigurés en une décision qui va mobiliser ce « je crois » collectif. Il permet de faire entrer tous les récitants dans un récit où chacun à sa place avant même de savoir le dire.
En quoi Jésus, le Christ, ou comment ce nom, vient-il encore et toujours, chaque fois, transformer une déclaration si risquée, en même temps qu’habituée, en un événement où nait une nouvelle rencontre du Père et du Fils enfouis ensemble dans le désir de notre pauvre parole. Mais une parole donnée, de toutes parts : une parole qui nous est donnée et en même temps qui nous fait participer aujourd’hui à l’histoire d’une promesse.
Françoise Smyth
Novembre 2020