Prédication du 21 mars : Moi, je veux être baptisée !

Textes bibliques : Psaume 27,1-4; Romains 13,8-10; Éphésiens 4,2-6

Psaume 27,1-4 :

Le SEIGNEUR est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je peur ?
Le SEIGNEUR est la forteresse de ma vie, devant qui tremblerais-je ?
Si des malfaiteurs m’attaquent pour me déchirer,
ce sont eux, mes adversaires et mes ennemis, qui trébuchent et tombent.
Si une armée vient camper contre moi, mon cœur ne craint rien.
Même si la bataille s’engage, je garde confiance.
J’ai demandé une chose au SEIGNEUR, et j’y tiens :
habiter la maison du SEIGNEUR tous les jours de ma vie,
pour contempler la beauté du SEIGNEUR et prendre soin de son temple.

Romains 13,8-10 :

N’ayez aucune dette envers qui que ce soit, sinon celle de vous aimer les uns les autres ; car celui qui aime son prochain a pleinement accompli la loi.
En effet, les commandements : Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras pas, ainsi que tous les autres, se résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
L’amour ne fait aucun tort au prochain ; l’amour est donc le plein accomplissement de la loi.

Éphésiens 4,2-6 :

En toute humilité et douceur, avec patience, supportez-vous les uns les autres dans l’amour ; appliquez-vous à garder l’unité de l’esprit par le lien de la paix. Il y a un seul corps et un seul Esprit, de même que votre vocation vous a appelés à une seule espérance ; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ;
un seul Dieu et Père de tous, qui règne sur tous, agit par tous, et demeure en tous.


Prédication des pasteurs Jean-François Breyne et Marie-Pierre Cournot :

Alors nous y sommes : 3ème confinement ! Enfin, bien étrange confinement !
Et c’est comme une énorme chape de lassitude qui vient de s’abattre sur nous !
Et c’est l’incompréhension qui s’installe devant l’incompréhensible, et c’est l’avenir qui s’assombrit, malgré l’arrivée du printemps, et  c’est l’horizon  encore une fois qui se voile de tristesse avec son lot d’interrogations : pourrons-nous faire ceci ou cela ? Assister à la naissance à venir ? Veiller ceux qui partent ? Ou seulement vivre ensemble ce baptême ? Les parrain et marraine pourront-ils venir ? Faut-il annuler, reporter, nous demandions-nous ces derniers jours ?

Et là survient Zoé.
Qui du haut de ses bientôt 7 ans, interrogée sur la question, répond sans hésitation aucune : « bien sûr, je veux être baptisée ce dimanche ! »

Et le voile se déchire !

Et l’enfant nous ramène ainsi à l’essentiel, par sa tranquille revendication de la bénédiction, comme Jacob naguère au gué du Yabboq qui disait à son adversaire : « je ne te laisserai pas avant que tu ne m’aies béni ! » (Gn. 32, 27).

Alors, merci, Zoé, pour cela aujourd’hui.
De nous avoir rappelés ainsi à l’essentiel !

Quel est-il, cet essentiel ?
Nos lectures, que nous avez choisies, Sandrine et Luc, avec Marie-Pierre, nous le rappellent admirablement :

« Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême », et cela suffit, pour habiter la maison du Seigneur, c’est à dire habiter la confiance, l’espérance et l’amour.

Car la maison de Dieu n’est pas un lieu, mais son amour pour toi, pour moi, pour Zoé, pour nous ici rassemblés.
Sa maison n’est pas un lieu, mais, pour nous, une autre manière d’être, dans l’amour,  la confiance et l’espérance.

Comme le fait remarquer très justement ma collègue Marie-Pierre, le Ps 27 ne décrit pas une vie paradisiaque mais une vie assaillie par les difficultés et confrontée à des personnes malveillantes.
Mais « je garde confiance » (בטח) littéralement l’hébreu dit : « je suis en sécurité ».
Pourquoi ? Parce que ma confiance, mon espérance, ne reposent pas sur moi, ni sur les circonstances de ma vie, mais dans un Autre que moi, qui vient me délivrer de la tyrannie des apparences et des évidences. Et qui m’invite en sa maison.

Quand tout va bien, c’est facile d’avoir confiance, mais est-ce qu’on garde aussi confiance en plein dans la tourmente ? Est-ce qu’on ne se laisse par gagner par le doute, la peur et la défiance ? Il n’y a qu’à voir la situation actuelle … 

Mais la raison de notre confiance n’est pas en nous, notre confiance réside dans le fait d’habiter ailleurs, dans cette demande faite au Seigneur : habiter sa maison.

Cette demande n’est pas une demande de sanctification, le psalmiste ne demande pas à être suffisamment saint pour pouvoir pénétrer dans le temple du Seigneur, pour le mériter. Mais il demande à être reconnu comme faisant partie de la famille de Dieu. Mis au bénéfice de cette alliance. Et c’est, paradoxalement, une demande d’universalité. Car si la maison de Dieu, c’est habiter l’amour, la confiance et l’espérance, alors cela est possible et promis à tous les êtres humains.

« Habiter la maison du Seigneur et contempler sa beauté ! »
On pourrait aussi traduire et  dire « le charme, la gentillesse, la douceur ». Car c’est là qu’il faut regarder, c’est vers cela qu’il faut tourner nos regards, comme l’a fait spontanément  Zoé, afin de voir plus loin, par-delà les difficultés et les souffrances de ces jours.

Et Marie-Pierre de dire à ce sujet :
« Le psalmiste ne demande rien pour lui, aucune reconnaissance, si ce n’est la possibilité de faire passivement partie d’une communauté et d’être comblé par sa beauté. Comme si plus rien ne devenait important devant tant de douceur et d’harmonie ».

On ne lui demande rien non plus en échange ! Nous avons entendu :
« J’ai demandé une chose au Seigneur,
et j’y tiens :
habiter la maison du Seigneur
tous les jours de ma vie,
pour contempler la beauté du seigneur
et prendre soin de son temple ».

« Prendre soin » : בקר : pourquoi la TOB traduit-elle  « prendre soin » où l’hébreu dit  « regarder », « contempler » ?
On est bien dans le registre du regard vers, de la contemplation, et pas dans l’action. C’est par cette contemplation que nous pouvons nous rapprocher de Dieu, et donc de la beauté et de la bonté.
Là est l’essentiel : la contemplation, c’est à dire une certaine manière de regarder et d’être attentif à ce qui vient, survient, comme clef de notre vie.


Eh bien oui, je le crois et même très fermement : oser poser un autre regard sur le monde, le regard même de Dieu, qui voit plus loin que nos peurs, plus loin que nos échecs, plus loin que nos trahisons.

C’est ce regard que célèbre Paul dans ses épîtres, c’est ce regard qui lui donne de s’écrier :

« Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême », par-delà nos divisions ecclésiales et institutionnelles.

Parce que notre unité ne dépend pas de nos règlements, disciplines et constitutions, parce que notre unité ne relève pas de nos accords doctrinaux ni ne nos déclarations de foi : non !
Notre unité se situe en amont de tout cela, en Christ qui, lui seul, est notre unité et rend cette unité possible.

Nous parlons d’unité, pas d’uniformité.
Ce qui est « un », et ce qui, de fait alors, nous relie, c’est l’esprit du Christ qui nous porte. C’est lui qui nous exhorte à avoir des relations pacifiées.
Et cela vaut aussi pour les relations œcuméniques aujourd’hui : dans ces textes bibliques il n’est nullement question de tous se conformer à une pratique ou une théorie unique, mais il est question d’être unis par des relations pacifiées, tous tournés vers la contemplation de Dieu. C’est là notre vocation. C’est à cela que nous sommes appelés.

À faire partie de ce corps qu’est la maisonnée de Dieu, dans laquelle vivent ensemble des personnes différentes dans des pièces différentes mais communicantes, et se retrouvant régulièrement pour se parler, s’écouter, partager, manger ensemble, faire la fête, s’aimer en somme, comme le dit Marie-Pierre.

« Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ».

Il n’y a que des êtres humains pour dire que devant  plusieurs façon de croire, seules certaines seraient les bonnes.
Nous sommes tous différents : regardons-nous !
Des vieux, des jeunes, des blonds, des bruns, et même des chauves, des habitués du lieu, des qui viennent pour la première et peut-être pour la dernière fois, des qui aiment parler, d’autres qui aiment se taire, des qui savent chanter et d’autres qui ne savent pas. Certains qui savent jouer de l’orgue et d’autre l’écouter.

La douceur et la beauté de Dieu sont suffisamment puissantes pour nous englober tous et toutes, accueillir nos différences et nos particularités, leur donner toute leur place.

Nous avons entendu : « un seul Dieu et Père de tous, qui règne sur tous, agit par tous, et demeure en tous ».
Le grec dit littéralement : « Un seul Dieu et père de tous, au-dessus de tous, à travers tous et en tous. »
Car Dieu est au-dessus de nos rivalités, mesquineries, luttes de pouvoir et autres affirmations doctrinales d’une vérité qui se voudrait absolue.
Dieu les traverse et les transcende.
C’est lui  qui se charge d’intégrer nos différences, ce n’est pas à nous de les gommer, ce serait prendre sa place, se prendre pour Dieu.

À l’intérieur de l’univers de Dieu, dans sa maison, nous prenons chacun notre place. Une seule chose s’impose à tous et préside à tous les choix : s’aimer les uns les autres.
Et pour cela, il faut savoir s’écouter.
Je crois en l’œcuménique de la chorale. C’est beau, et mieux, lorsqu’un choral peut être chanté à plusieurs voix. Et il faut les 4 voix différentes. Quel appauvrissement du choral s’il fallait le chanter à une seule voix. Mais pour que cela soit harmonieux, il faut que chaque pupitre écoute aussi la voix des autres pupitres ; sinon, c’est la cacophonie.

Et s’il en allait de même pour nos églises ?
S’écouter et alors se découvrir, et se découvrant aimés ensemble par Dieu, pouvoir alors nous aimer aussi les uns les autres. Et vivre ainsi dans l’amour enfin possible.

Mais l’amour n’est pas chose si aisé, nous le savons bien !
Paul le dit avec presque une pointe d’humour :

supportez-vous !

Littéralement :  soutenez-vous, portez-vous les uns les autres. 
Oui, nous devenons nous supporter les uns des autres, voilà notre commune vocation !
Et cela est particulièrement vrai pour les parents, pour tous parents : supporter nos enfants, bien sûr, parfois ils sont un peu pénibles, mais aussi et surtout les soutenir, être leurs supporters, les porter encore et toujours sur nos épaules lorsque la vie se fait trop dure et l’étape à passer trop difficile !
Et les encourager, sans nous lasser jamais, à devenir ce qu’ils sont appelés à être, c’est à dire des enfants de Dieu, c’est à dire des enfants de  la confiance, de la  beauté et de l’amour !

J’aime ces mots de l’écrivain Christian Bobin :
« Il [il , c’est Jésus] ne parle pas pour attirer sur lui une poussière d’amour.
Ce qu’il veut, ce n’est pas pour lui qu’il le veut.
Ce qu’il veut, c’est que nous nous supportions de vivre ensemble.
Il ne dit pas : aimez-moi.
Il dit : aimez-vous.
Il y a un abîme entre ces deux paroles.
Il est d’un côté de l’abîme et nous restons de l’autre.
C’est peut-être le seul homme qui ait jamais vraiment parlé, brisé les liens de la parole et de la séduction, de l’amour et de la plainte. »[1]

Il dit : aimez-vous !
Oui, c’est possible ! Malgré les échecs et les trahisons ! Et cela implique, dira Paul, « humilité et douceur ».
Et nous retrouvons, me semble-t-il, cette posture de contemplation du psalmiste !
De nous laisser toucher et déplacer par ce qui vient, survient, au milieu de l’opacité des jours présents.

Et pour cela, il suffit d’écouter la vie et Dieu qui s’y prend autrement, il suffit d’écouter Zoé qui nous dit : « mais moi, c’est dimanche que je veux être baptisée » !

Et tout devient limpide !

Il suffit d’être attentif à la vie et à Dieu qui s’y prend autrement.
Expérimenter la possibilité d’un autre regard, d’une autre écoute.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : changer de perspective, se replacer devant l’essentiel, et se laisser déplacer par la Parole.

Et je laisse les derniers mots à Marie-Pierre :
« Frères et sœurs, si je devais garder une phrase de ces trois très beaux textes choisis par Luc et Sandrine à l’occasion du baptême de leur fille Zoé, ce serait cette exclamation du psalmiste : « Mon cœur ne craint rien ». Le cœur n’est pas le centre des sentiments mais plutôt le principe vital, l’essence même de la personne.

Frères et sœurs, votre cœur ne craint rien !

Dans la maison du Seigneur, nous avons chacun et chacune notre place, nous y sommes réunis en sécurité, qui que nous soyons, quelle que soit notre religion ou nos croyances.
Nous sommes emportés dans un exigeant mouvement de contemplation et d’admiration de Dieu, de sa création et de tous les autres habitants de sa maison.
Exigeant, car il suppose d’abolir tout jugement, tout rapport de force, toute prétention à détenir la vérité ou la solution.
Cette contemplation ouvre sur une simple mais radicale acceptation de tous pour ce qu’ils sont.
Frères et sœurs, votre cœur ne craint rien ! »

Amen !

Pasteurs Jean-François Breyne et Marie-Pierre Cournot.


[1]Christian BOBIN, in « L’homme qui marche », le Temps qu’il fait, p. 16-17 .

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