Culte du 3 octobre : Laissez-les venir à moi!

Lecture Biblique :  Marc 10,13-16
Des gens amenaient à Jésus des enfants pour qu’il les touche de la main. Mais les disciples les rabrouèrent. Voyant cela, Jésus s’indigna ; il leur dit : « Laissez les enfants venir à moi ; ne les en empêchez pas, car le royaume de Dieu est pour ceux qui sont comme eux. Amen, je vous le dis, quiconque n’accueillera pas le royaume de Dieu comme un enfant n’y entrera jamais. »
Puis il les prit dans ses bras et se mit à les bénir en posant les mains sur eux.

Prédication par la pasteure Marie-Pierre Cournot :
Les disciples pensent savoir ce qui est bien pour Jésus. Ils font le service d’ordre, la garde rapprochée. Et donc rabrouent ces gens qui amènent des enfants.

À l’époque, les enfants c’est peu de chose, quasiment rien. Ils n’ont aucun droit, que des devoirs. Ils ne comptent pour rien.
Les disciples ne voudraient pas que des êtres aussi insignifiants s’approchent de Jésus. Ils pourraient le déranger, le détourner de sa noble mission, peut-être même le souiller, je ne sais pas. 

« Le Royaume des Cieux est à ceux qui sont comme eux ».
Mais comment sont-ils ces enfants ?
À aucun moment Jésus ne parlent de ces enfants comme des êtres innocents, purs, sans péché. Ce n’est pas cela qui est visé par cette comparaison. L’idée que les enfants sont des êtres encore purs viendra plus tard dans l’histoire de la religion.
Ici les enfants, probablement pas des bébés mais des jeunes enfants, sont incapables de venir seuls. Non parce qu’ils ne sauraient pas encore marcher, mais parce qu’ils ne peuvent rien faire seuls, ils n’ont le droit de rien faire seuls. Ils ne sont ni autonomes ni indépendants.

Ce qui est intéressant c’est que notre récit de ce matin est encadré par deux discussions de Jésus au sujet de la maîtrise de la loi et du pouvoir que cela confère.
D’une part, notre récit prend place après une discussion entre Jésus et les pharisiens au sujet de l’interprétation de la loi. Il faut dire que c’est le sujet de conversation préféré et presque exclusif de Jésus et des pharisiens.
Les pharisiens pensent tout savoir et veulent imposer à tous leur point de vue. Ils veulent maîtriser la loi pour maîtriser le peuple.

D’autre part, à l’autre extrémité de notre passage, un jeune homme riche vient demander à Jésus ce qu’il doit faire pour entrer dans le Royaume de Dieu, lui qui est très fier de pouvoir dire qu’il suit déjà tous les commandements de Moïse. Mais le jeune homme refusera de la proposition de Jésus de laisser tomber sa fortune pour le suivre.

Quand il s’agit de lâcher prise, de ne rien maîtriser, de perdre toute autonomie et tout pouvoir, comme les enfants, c’est beaucoup plus dur …
Pour entrer dans le Royaume de Dieu, il faut l’accueillir comme un enfant. Cela ne veut pas dire qu’il faut accueillir le royaume de Dieu comme si ce royaume était un enfant, mais qu’il faut accueillir le royaume de Dieu comme un enfant l’accueille.

Est-ce que nous voudrions être comme des enfants, dépendants, ne maîtrisant plus rien, n’ayant plus de pouvoir ?
L’enfant accueille le royaume de Dieu en se laissant lui-même accueillir, prendre dans les bras et bénir.

L’ensemble de notre récit, très court, est extrêmement dépouillé. Aucune précision de lieu, de contexte, rien Puis il les prit dans ses bras et se mit à les bénir en posant les mains sur eux. On est focalisés sur les paroles de Jésus et sur cette dernière petite phrase : « Puis il les prit dans ses bras et se mit à les bénir en posant les mains sur eux. »

Les enfants n’avaient rien demander, rien fait de particulier. Et là ils se laissent complètement faire. On est à l’opposé du comportement des pharisiens et du jeune homme riche, qui sont dans la maîtrise absolue. Ils commencent toujours en posant une question à Jésus pour faire semblant de lui demander son avis et de dépendre de lui. Mais quand la réponse de Jésus arrive « abandonnez vos certitudes et le pouvoir qu’elles vous donnent », alors ils se cabrent et récusent l’offre de Jésus, préférant garder leur position avantageuse pour eux.

Est-ce que nous voudrions être comme des enfants, dépendants, ne maîtrisant plus rien, n’ayant plus comme pouvoir que celui de se laisser accueillir, prendre dans les bras et bénir ? Accueillir, se laisser accueillir, ce n’est pas si simple, même dans nos Églises.

Je vous propose de prendre comme exemple l’accueil des enfants à la Sainte cène car Dieu sait qu’il agite les gens à tous les niveaux de l’Église.
C’est un sujet dont nous avons discuté vendredi soir lors du cycle « Protestantisme niveau débutant ».
Dans le protestantisme, on invite à la cène quelle que soit l’appartenance ecclésiale. Les catholiques, les orthodoxes, les personnes d’une autre religion ou sans religion sont invitées à la cène pour témoigner que Christ est ressuscité et vivant pour tous et toutes.
Mais dans la plupart des paroisses, les enfants participent à la sainte cène une fois qu’ils ont terminé leur catéchisme et demandé leur baptême ou fait leur confirmation s’ils avaient été baptisés bébés. Ils ont donc environ 15 ans.


Dans cette paroisse-ci, comme dans quelques autres, c’est différent : tout le monde est invité à la cène, quelle que soit son appartenance ecclésiale, quelque soit son âge.Car pourquoi exiger des enfants ce que l’on exige pas des adultes, si ce n’est pour affirmer que l’on a un certain pouvoir sur eux, une certaine emprise ?

Les instances de notre Église se sont penchées sur ce sujet puisque en 2003 le synode national de l’Église réformée de France, ancêtre de l’Église protestante unie de France, avait décidé que chaque paroisse devait réfléchir à des modalités d’accueil des enfants à la sainte cène. Et en tout cas, si le Conseil presbytéral y était favorable, il était possible que les enfants participent comme les adultes. Les parents étaient alors en charge d’expliquer à leurs enfants le sens de ce rite. Depuis bien avant mon arrivée, c’est ce qui ce fait dans cette paroisse.
C’est possible grâce aussi à notre super équipe de monitrices et moniteur d’éveil et d’école bibliques qui accompagnent les enfants dans leur chemin de découverte de la foi avec beaucoup de pédagogie et de bienveillance.
Tous les dimanches nous disons que tous et toutes sont invités. Qu’ils soient baptisés ou non, confirmés ou non, protestants ou non, jeunes ou vieux, celles et ceux qui voudraient prendre part à cette communion par la quelle nous affirmons la présence de Jésus ressuscité, sont invités.
Et personne, certainement pas moi, ne vérifie si tout le monde a bien appris son catéchisme. D’ailleurs le catéchisme en 2021 ne ressemble pas du tout à celui du siècle dernier, je ne suis pas sûre, si on faisait un devoir sur table aujourd’hui, que beaucoup d’entre nous auraient le droit de communier !

Jésus rabroue les disciples qui voulaient pouvoir décider qui a le droit de s’approcher de lui. Ce n’est pas aux disciples, ni à quiconque, de juger de qui peut s’approcher de Jésus, qui est digne de la grâce de Dieu incarnée en Jésus.
Les pharisiens voudraient que le critère soit l’observance de la loi. Mais même cela, surtout cela, Jésus le rejette. Tout au long des évangiles Jésus dit et répète que ce n’est pas l’obéissance à la loi qui donne accès au Royaume de Dieu, mais la foi.
La foi, c’est lâcher prise, reconnaître que, comme les enfants, on est dépendant et subordonné à autre chose de plus grand que soi, à quelqu’un qui prend les décisions et les risques à notre place.

« Laissez-les venir à moi, ne les en empêchez pas ! » nous dit Jésus.
Alors si nous voulons que Jésus nous prenne dans ses bras et nous bénisse, il nous faut perdre toute ambition à détenir la vérité, toute volonté de légiférer l’accès à Dieu. Se dépouiller de nos attributs de connaissance et de pouvoir. Devenir ou redevenir fragiles.
Je crois que c’est au prix de ce dépouillement-là que notre accueil pourra être un témoignage du Royaume de Dieu.

Je disais vendredi soir que j’avais eu du mal à remonter l’étymologie du mot communion. En tout cas la 2e partie du mot, la partie « munion » a semble-t-il une origine commune avec le verbe « munir » (doter, fournir, protéger).
Peut-être que cette communion exige d’abord d’être démuni. De se déprendre de quelque chose, d’ôter ces couches qui nous protègent contre une certaine fragilité, mais sont autant de remparts entre Dieu et nous, et même entre Dieu et les autres.
Là, dans le dénuement, dans la dépendance, se noue une véritable obéissance.

« Laissez-les venir à moi, ne les en empêchez pas ! »

Amen

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