Culte du 20 juin 2021 au temple de Montparansse-Plaisance, retransmis en direct par Zoom
Lectures bibliques :
Ézéchiel 17,22-24 :
Ainsi parle le Seigneur DIEU :
« Je le planterai dans la montagne qui domine Israël ; il dressera sa ramure et portera du fruit, il deviendra un cèdre magnifique. Tous les oiseaux de toute espèce demeureront sous lui ; à l’ombre de ses branches ils demeureront. Ainsi tous les arbres des champs sauront que c’est moi, le SEIGNEUR (YHWH), qui ai abaissé l’arbre élevé et élevé l’arbre abaissé, qui ai desséché l’arbre vert et fait fleurir l’arbre sec. C’est moi, le SEIGNEUR (YHWH), qui ai parlé et qui agirai. »
Marc 4,30-34 :
Jésus disait encore :
« À quoi comparerons-nous le règne de Dieu ? Par quelle parabole le représenterons-nous ? C’est comme une graine de moutarde qui, lorsqu’on la sème en terre, est la plus petite de toutes les semences de la terre; mais une fois semée, elle monte, devient plus grande que toutes les plantes potagères et donne de grandes branches, de sorte que les oiseaux du ciel peuvent habiter sous son ombre. »
Prédication par la pasteure Mare-pierre Cournot :
Utiliser une graine de moutarde pour parler du royaume de Dieu, cela ne me serait jamais venu à l’esprit. D’après ce que j’ai lu, il s’agirait dans la région et à l’époque, d’une graine de moutarde noire, autrement appelée « sénevé » et qui pouvait atteindre 4 m de haut dans les régions les plus fertiles de Palestine. Sa graine est une minuscule petite sphère noire. Je ne suis pas sûre d’en avoir jamais vu, sauf peut-être dans un pot de moutarde à l’ancienne.
Cette année nous avons eu une séance d’école biblique avec les enfants sur cette parabole. Les monitrices ont cherché à acheter des graines de moutarde pour que les enfants les fassent germer dans du coton puis les plantent, mais elles n’en n’ont pas trouvé !
Faut-il en conclure que le royaume de Dieu est une denrée rare de nos jours ?
Je ne crois pas. Le royaume de Dieu n’est pas une graine de moutarde.
Par contre, le Royaume de Dieu c’est ce qui advient quand une minuscule graine, plantée au milieu d’un immense champ, devient une source immense de vie, d’accueil, de paix et de respiration. Le royaume de Dieu est profusion, explosion de puissance, née à partir de presque rien.
Le Royaume de Dieu a un très bon rendement, de 100% : une seule petite graine et on obtient ce magnifique résultat.
C’est de l’ordre de la certitude. La puissance contenue dans cette minuscule graine ne peut être contrariée, elle semble s’imposer, imposer sa présence à la surface de la terre dans une sublime et surprenante évidence.
L’endroit où la graine est semée importe peu. Ce n’est pas un champ particulier ou une terre spéciale, particulièrement fertile. C’est juste de la terre, sur la terre.
Le mot grec pour « terre », le mot « γη », c’est aussi bien la terre cultivable, que l’univers terrestre en général par opposition à l’univers céleste, et c’est aussi ce que nous appelons de nos jour la planète, la Terre (avec une majuscule).
Par contre l’insistance de cette parable, c’est sur l’action de semer, trois fois en une demi-phrase : « lorsqu’on la sème en terre, est la plus petite de toutes les semences de la terre ; mais une fois semée, elle monte … »
Ce geste de base, c’est lui qui entraîne tout le reste. Le geste de Dieu, relayé ici par Jésus, qui sème sa parole dans le terreau humain.
On peut retenir trois points :
1- le geste primordial c’est donc celui de semer, et ce geste-là nous est étranger.
Nous n’en sommes que les bénéficiaires, le produit même, et non les acteurs.
Nous pourrions être tentés de penser que nous sommes des semeurs, qu’il nous revient de semer la parole de Dieu autour de nous, que nous pourrions être des relais efficaces en faisant connaître notre religion et permettre ainsi d’agrandir le Royaume de Dieu. Et si possible que celui-ci ressemble à notre belle tradition protestante qui a toujours prôné l’accueil, la tolérance et l’ouverture.
Nous pourrions être tentés de penser que c’est cela que Dieu attend de nous.
Frères et sœurs, nous ne sommes pas le semeur, nous sommes la terre.
Il me semble qu’il faut nous défaire de cette prétention à vouloir être nous-mêmes des semeurs, pour trouver la juste attitude de celui qui reçoit cette parole, de celui que cette germination va faire croître, presque à son insu, en quelque chose de totalement inattendu.
Dieu sème et nous croissons, nous nous transformons pour devenir tout à fait autre chose que ce que nous étions au départ.
2- l’ensemencement concerne toute la terre dans un geste d’universalité
Nous sommes donc la terre, mais au même titre que tous les autres êtres humains qu’elle accueille. Face à cette semence divine, toute la terre est concernée, toute l’humanité. Il n’y a pas ceux qui sèment et ceux qui reçoivent, mais tous nous sommes terrain fertile pour la puissance divine. Il n’y a pas de terre élue, choisie.
C’est d’ailleurs ce que dit la racine commune à humain et à humus, l’humain n’est qu’un terreux, par opposition au divin classiquement situé dans les cieux.
Un autre mot que nous avons employé tout à l’heure dans ce culte partage cette racine, c’est le mot humilité, qui nous rappelle notre humanité, notre lien à la terre, surtout dans la prière où l’on est positionné en face de Dieu.
C’est bien de cela qu’il s’agit, la terre face au ciel, l’humain face à Dieu.
Ne pas se tromper de lieu d’habitation.
Et le Royaume de Dieu, celui du ciel, aura sa place sur terre comme les oiseaux du ciel viennent nicher dans les plantes du potager terreux.
3- Quand la semence de Dieu se développe en nous, nous devenons les témoins de son Royaume
On ne sait pas comment Dieu entre dans le cœur et l’esprit des personnes. La semence peut être discrète, passer tout à fait inaperçue. Le plus souvent à l’insu de tous. Puis sans que l’on sache pourquoi ni ne maîtrise comment, l’action de Dieu fait son œuvre.
Dans la parabole de la graine de moutarde, on a l’impression que l’épanouissement se fait subitement sans processus qui s’inscrirait dans la durée. Parfois la maturation est plus longue. Chaque grain de terre peut recevoir la parole de Dieu et devenir un témoin visible, florissant et lumineux de l’action de Dieu, un magnifique témoin du Royaume de Dieu.
« Royaume » ou « Règne », cela dépend des traduction, nous dit la puissance de Dieu comme celle d’un roi de l’époque.
Le Royaume de Dieu c’est un monde ou un temps orchestré par des impératifs d’accueil universel. La silhouette du Royaume de Dieu suit les contours de l’ensemble de celles et ceux qui ont fait leur cet impératif.
Déjà au temps du prophète Ézéchiel, dont le nom veut dire « Dieu rend fort », la présence de Dieu se disait sous forme d’un arbre magnifique, un cèdre, lieu de bonheur et de repos pour tous les oiseaux du ciel sans distinction. Le cèdre est un symbole de puissance, de royauté, c’est le bois dont est construit le temple de Jérusalem. Ce rameau de cèdre que Dieu va replanter, évoque la restauration d’Israël après la destruction de la monarchie au début du 6e siècle avant notre ère.
Le thème de l’accueil était donc déjà présent dans l’Ancien Testament et dans le Proche-Orient Ancien, et il est au centre de la prédication de Jésus.
C’est un accueil exigeant qui nécessite d’accepter de ne pas être acteur, de ne pas être en position de force, ou de décision, en position de détenir la vérité. Mais au contraire, de n’être que la terre que Dieu modèle selon son bon vouloir.
Tous les jardiniers le savent, pour que ça pousse il faut du temps, de la patience et de l’humilité. Pour faire vivre le Royaume de Dieu, c’est-à-dire un temps et un monde où cohabitent les personnalités, les modes de vie, les langues, les cultures, les religiosités même, c’est un peu pareil, il faut du temps, de la patience et de l’humilité.
On peut chercher de l’aide du côté de la prière, elle permet de s’ouvrir à Dieu et à l’inconnu.
Pour que ça pousse il faut de l’eau et du soleil. Dans le Royaume de Dieu aussi, il faut se laisser arroser et réchauffer par les autres, celles et ceux que l’on appelle frères et sœurs en vertu de la certitude de la même semence partagée quelle que soit la plante à laquelle elle donne, ou pas, naissance.
Les images de ces deux paraboles, celle du cèdre magnifique d’Ézéchiel ou celle de la belle plante de Marc offrant tous deux un refuge ombragé peuvent nous laisser penser que le Royaume de Dieu est un monde où il est facile d’entrer et que l’on s’y sent bien.
Mais si c’était si simple, il n’y aurait pas besoin de la puissance de Dieu et pas besoin de parabole pour le raconter.
Je crois plutôt que Royaume de Dieu c’est un billet perpétuel pour l’étranger.
La préexistence de cette semence divine, donc étrangère à soi et à toute connaissance, laisse une indélébile trace énigmatique et inaccessible. Et la nouvelle règle de cette cohabitation universelle, nous déplace et nous installe dans une maison qui n’était pas la nôtre.
En quelque sorte, il nous faut déménager !
Dès qu’on se sent chez soi, c’est qu’on n’est plus dans le royaume de Dieu, c’est que l’on a modelé les choses à notre image, à notre volonté.
Pour terminer je cite un verset du Psaume 26 : « J’ai demandé une chose au SEIGNEUR, et j’y tiens : habiter la maison du SEIGNEUR tous les jours de ma vie, pour contempler la beauté du SEIGNEUR et prendre soin de son temple. »
« contempler la beauté du SEIGNEUR et prendre soin de son temple » : c’est participer à sa nouvelle création, cette création humainement improbable où tous peuvent vivre sous la même ombre.
Amen