Revoir le culte du 25 décembre : qui est donc Joseph ?

Matthieu 1,16-25 et 2,1-6 :
L’évangile de Matthieu commence par une longue généalogie de toutes les générations successives depuis Abraham. Notre passage débute au dernier verset de cette généalogie.

Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus, celui qu’on appelle le Christ. Il y a donc en tout quatorze générations depuis Abraham jusqu’à David, quatorze générations depuis David jusqu’à l’exil à Babylone, et quatorze générations depuis l’exil à Babylone jusqu’au Christ.

Voici comment arriva la naissance de Jésus-Christ. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph ; avant leur union, elle se trouva enceinte par le fait de l’Esprit saint. Joseph, son mari, qui était juste et qui ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la répudier en secret. Comme il y pensait, l’ange du Seigneur lui apparut en rêve et dit : Joseph, fils de David, n’aie pas peur de prendre chez toi Marie, ta femme, car l’enfant qu’elle a conçu vient de l’Esprit saint ; elle mettra au monde un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.

Tout cela arriva afin que s’accomplisse ce que le Seigneur avait dit par l’entremise du prophète :
La vierge sera enceinte ; elle mettra au monde un fils et on l’appellera du nom d’Emmanuel, ce qui se traduit : Dieu avec nous.

À son réveil, Joseph fit ce que l’ange du Seigneur lui avait ordonné, et il prit sa femme chez lui. Mais il n’eut pas de relations avec elle jusqu’à ce qu’elle eût mis au monde un fils, qu’il appela du nom de Jésus.

Après la naissance de Jésus, à Bethléem de Judée, aux jours du roi Hérode, des mages d’Orient arrivèrent à Jérusalem et dirent : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus nous prosterner devant lui.
À cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. Il rassembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple pour leur demander où devait naître le Christ.
Ils lui dirent : À Bethléem de Judée, car voici ce qui a été écrit par l’entremise du prophète :
« Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certainement pas la moins importante dans l’assemblée des gouverneurs de Juda ; car de toi sortira un dirigeant qui fera paître Israël, mon peuple. »

Prédication par la pasteure Marie-Pierre Cournot :
Certains disent que je suis un peu féministe car je parle souvent de femmes.
Souvent ? Les femmes c’est la moitié de l’humanité, il y a de quoi en parler la moitié du temps.
Toujours est-il que ce matin, nous allons parler des hommes, pas des humains, mais de l’homme masculin, du père en réalité, du papa.

Hier soir nous avons lu le récit de la naissance de Jésus dans l’évangile de Luc, le plus connu, celui qui parle de Marie. Ce matin nous lisons le récit qu’en fait l’évangile de Matthieu.
La naissance de Jésus nous est racontée uniquement du point de vue de Joseph. Pas d’ange qui annonce à Marie l’événement, pas de visite de Marie à sa cousine Élisabeth.
Cela m’émeut que Mathieu est voulu replacer le père, l’homme, au centre du récit. La mère est effacée, elle ne dit pas un mot, c’est un personnage secondaire. D’ailleurs toute la lingue généalogie qui introduit notre passage, aboutit à Joseph. C’est par Joseph que Jésus descend de David et d’Abraham. C’est Joseph que l’ange vient voir et à qui il annone la naissance de Jésus.

On met souvent en avant l’acte de foi de Marie qui s’engage dans le projet fou que Dieu a conçu pour elle. Ici, c’est Joseph qui fait acte de foi. Il s’engage dans le projet de Dieu, il fait confiance, il épouse Marie enceinte d’un autre. Il donne ainsi une famille et une descendance prestigieuse à Jésus.

Je vous propose de regarder à travers l’iconographie et la statuaire religieuses ce que la tradition a retenu de ce Joseph.

Raphaël Mengs, Le rêve de saint Joseph, musée d’Histoire de l’art de Vienne, en Autriche. XVIIIe.

C’est l’annonce faite à Joseph.
On n’est pas au milieu de la nuit, Joseph n’est pas dans son lit. Il dort appuyé sur son établi de charpentier, comme si le sommeil l’avait pris en plein travail, comme si l’ange l’avait entouré d’une torpeur pour pouvoir lui parler. Cette torpeur, cet ange, c’est en réalité la voix de Dieu qui vient à l’oreille de Joseph. Elle lui dit : « tu ne feras pas selon la loi de Moïse qui ordonne de lapider les fiancées qui ont des relations avec un autre homme que leur fiancé[1]. Tu ne feras pas selon la coutume. ». Déjà Joseph s’en était écarté puisqu’il voulait répudier Marie en douce pour que justement la loi ne s’applique pas contre elle.
Dieu va encore plus loin, il est complètement transgressif : « tu ne vas pas la répudier mais la prendre dans ta maison comme ta femme. »
Dans la maison de Joseph… mais où est cette maison ?
Dans l’évangile de Matthieu, pas de recensement, pas de voyage de Nazareth à Bethléem, pas d’étable, pas de mangeoire … Joseph et Marie habitent déjà à Bethléem.
Joseph prend Marie dans sa maison et c’est là que Jésus va naitre. C’est aussi dans cette maison que vont venir les mages dont nous avons commencé à lire l’histoire. Ce n’est que plus tard, après avoir fui en Égypte la colère d’Hérode que Joseph et sa famille viendront s’installer à Nazareth où Jésus passera son enfance.

École vénitienne XVIe siècle, basilique Saint-Jean-et-Paul à Rome.
Par M0tty — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=15546418

Joseph avec Jésus bébé dans les bras, Joseph est identifié comme saint, avec son auréole en or.
Voici un père qui a l’habitude de porter des bébés, pas du tout gauche, il tient sa tête avec son coude. Leur regards se croisent et témoignent d’une certaine connivence entre eux, ils se reconnaissent l’un l’autre comme le père et le fils.

Bartolomé Esteban Murillo, La Sainte Famille avec l’oiseau, musée du Prado. XVIIe.

On est dans l’intimité de leur maison – la maison de Joseph – devant une scène de la vie de tous les jours. Cela pourrait être n’importe quelle famille, Murillo ne met pas en avant le côté exceptionnel de cette famille, pas d’auréole, ni de posture solennelle ou d’objet ou de geste typiquement religieux !
Marie est en arrière-plan, elle file de la laine et les regarde d’un air attendri. La scène principale est entre le père et le fils : Jésus et Joseph.
Joseph tient Jésus debout, appuyé sur ses genoux, dans une grande proximité. On dirait que Joseph retient Jésus pour ne pas qu’il tombe, comme s’il ne marchait pas encore tout à fait.
Jésus joue avec cet extraordinaire petit chien, qui a bien envie d’attraper l’oiseau que Jésus a dans la main droite. Il tend le bras pour que le chien ne l’attrape pas.
Les personnages se touchent, il n’y a pas d’espace entre eux, même le petit chien est visuellement collé aux jupes de Marie. Les différentes personnes de la famille sont dans une grande proximité de vie et de centres d’intérêt, ils partagent le même quotidien, le père participe au jeu de l’enfant.
Ici encore Joseph est identifié grâce à ses outils de charpentier, sur la droite du tableau.
Le peintre Murillo est orphelin, il a été élevé par sa sœur. Cette banale scène de famille n’est donc pas tout à fait banale pour lui.

Bartolomé Esteban Murillo, Saint-Joseph avec l’Enfant Jésus, musée des Beaux-Arts de Séville. XVIIe.

Encore un Murillo : là aussi Joseph tient son fils avec tendresse et habileté, il le tient fermement pour qu’il ne tombe pas car il l’a hissé sur un socle en pierre pour lui donner de la hauteur, mais l’enfant n’est pas encore aussi grand que son père.
Jésus tient une fleur de lys à la main. Significations diverses : symbole solaire, de pureté qui sera associé à la Vierge Marie, ou symbole de lien avec Dieu, certains y voit un symbole de la croix avec la tige barrée des fleurs disposées horizontalement de part et d’autre.

Statue en bois du début du XVIIe, Milan.
Par Fondazione Cariplo, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=16371499

Regardez le regard attendri de Joseph sur son fils à qui il donne la main pour marcher.

Georges de La Tour, Saint Joseph charpentier (v. 1645), musée du Louvre.

Jésus a grandi et Joseph lui apprend le métier de charpentier. Joseph perce une pièce de bois avec une espèce de grande chignole. Jésus tient la bougie qui lui illumine pleinement le visage et la lumière se répercute, dans une moindre mesure sur le visage de son père. Comme si c’était Jésus qui illuminait Joseph de son rayonnement.
On sent avec ce tableau qu’on n’est peut-être pas devant une famille tout à fait banale. Que cet enfant va jouer un rôle particulier. Que Joseph, le père va s’effacer devant son fils. Et c’est bien ce qui se passera , car Joseph n’est connu que parce qu’il est le père de Jésus.

Après ce rapide et fragmentaire survol des traces que Joseph a laissées dans l’iconographie religieuse, on voit qu’il apparait comme le garant de la normalité de cette famille, normalité esquissée dans l’évangile de Matthieu, avec un père attentif et protecteur. Par « normalité » je veux dire que cette famille obéit aux normes théoriques de l’époque en terme de composition familiale.

Dieu, à qui tout est possible, aurait pu faire arriver Jésus sur terre à l’âge adulte, comme les anges, ce que pourraient laisser penser les évangiles de Marc et de Jean. Est-ce que la bonne nouvelle aurait moins de force si Dieu avait choisi un adulte pour s’y incarner ?
Nous creuserons l’affaire lors la prochaine séance de « Protestantisme niveau débutant » en janvier. En attendant, disons que le message de Jésus, l’accueil universel et inconditionnel de tous et toutes par Dieu, prend tout son sens si Jésus a lui-même été un bébé, un enfant, un ado comme tout le monde, issu d’une famille sans rien d’exceptionnel.

Grâce à cette famille banale, Matthieu met l’accent sur la transgression de Dieu qui demande à Joseph de ne pas appliquer la loi et de prendre chez lui sa fiancée enceinte d’un autre, c’est à dire de mettre l’amour et la vie au premier plan, loin des règles.
Matthieu met aussi l’accent sur l’engagement de Joseph qui abandonne ses prérogatives, adhère à ce projet fou et devient le père de cet enfant qui n’est pas le sien.
Mathieu nous dit que Joseph est juste.
La voilà la justice de Dieu, abandonner les lois et les règles, s’ouvrir à l’accueil inconditionnel et donner sa chance à la vie, à l’espérance, à la promesse.
La Parole de Dieu ne nous aurait pas atteints si Joseph avait suivi la tradition symbolisée par cette longue généalogie qui précède l’annonce faite à Joseph.
Je dis « symbolisée » parce que dans cette liste d’ancêtres bien peu ont eu des comportements que la morale approuverait !
La puissance de l’amour de Dieu, s’incarne pour nous ce matin dans l’attitude de Joseph qui accueille sous son toit une femme adultère et son fils bâtard.
Ces trois-là sont ceux que Dieu a choisi pour nous transmettre sa Parole, pour qu’elle nous parle.
Et Joseph, le premier, la met en pratique en choisissant de faire le pari fou de Dieu : la confiance.
Amen.


[1] Deutéronome 22,23-24

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